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la bienfaisante mesure que les instructions du gouvernement ont dictée à l’administration de nos établissemens de l’Inde, et qu’elle a résolument appliquée : nous voulons parler d’un large dégrèvement de l’impôt territorial, qui, jusqu’à présent, écrasait la population malabare. Cet impôt ne représentait pas moins de 48 pour 100 du produit brut de la culture. Par un arrêté du 19 février 1853, qui fera époque dans les annales de l’Inde, la contribution de la terre a été abaissée à 25 pour 100, taux élevé encore, si on l’envisage par comparaison avec ce qui se passe en France, mais très supportable pour une population dont les besoins matériels sont extrêmement restreints, et qui n’acquitte indirectement aucune autre charge envers le trésor. Une fête magnifique, donnée par les natifs au gouverneur, a témoigné de leur joie et de leur reconnaissance en même temps que de leur espoir dans le complément de ce bienfait, c’est-à-dire dans l’abolition du droit de propriété que le domaine, représentant le souverain, conserve sur les terres dont le cultivateur indigène n’est considéré que comme l’usufruitier. Nous ne voulons pas préjuger ici la solution que le gouvernement croira pouvoir donner à cette question ; pour en signaler la portée, il suffira de rappeler que le régime territorial dont il s’agit de modifier si radicalement le principe est celui de toutes les possessions européennes dans les Indes orientales.

L’année dont on vient de retracer les principaux événemens au dedans et au dehors est assurément l’une des plus curieuses que la France eût depuis longtemps traversées. Pour la seconde fois depuis cinquante ans, la forme républicaine du gouvernement a succombé, et pour la seconde fois c’est devant la fortune d’un Bonaparte que ce revirement d’idées s’est accompli. Cette révolution n’a point été soudaine ; lentement et mûrement préparée depuis le 10 décembre 1848 jusqu’au 2 décembre 1851, elle a marché plus vite depuis cette dernière date, sans être pourtant l’œuvre de la précipitation. L’empire pouvait être proclamé au milieu de la fête du 10 mai, quand le prince-président distribua les aigles à l’armée ; mais, sorti d’une acclamation militaire, il n’eût point présenté le caractère qui pouvait donner aux institutions nouvelles une base sûre : c’est au pays seul que l’on devait demander de relever le trône impérial. Quoique le vote du pays parût au premier abord plus difficile à obtenir que l’adhésion de l’armée, le prince destiné à l’empire ne doutait pas que la majorité qui l’avait porté, puis maintenu au pouvoir, ne fut prête à reconstituer en sa faveur l’autorité monarchique. Le succès a justifié cette confiance si entière dans les dispositions du pays, et un nombre de suffrages plus considérable encore que celui des deux scrutins précédons s’est prononcé pour le rétablissement du trône de Napoléon.

La monarchie impériale, considérée comme une réaction logique du principe d’autorité contre les efforts de la démocratie pour s’introduire dans le gouvernement, semble, par sa nature même, entraînée à nier le régime de la discussion et le système parlementaire.