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d’attendre que le législateur organisât l’application de la nouvelle peine. Une enquête ouverte dans les bagnes a fourni une liste de près de 4,000 forçats demandant à devancer la déportation légale ; un rapport du ministre de la marine au président de la république en date du 21 février, ensuite un décret du 27 mars 1852, ont tracé les conditions de ce premier déplacement des criminels détenus dans nos arsenaux. Depuis cette époque, plusieurs bâtimens de guerre, partis alternativement de Brest et de Toulon, ont porté a la Guyane environ 2,500 individus, dont 2,000 extraits des bagnes, et 500 transportés dits politiques ou repris de justice, atteints par le décret du 8 décembre 1851. Jusqu’à présent, à l’exception de la formation d’un petit établissement à l’embouchure de l’Oyapock, au lieu dit Montagne-d’Argent, et qui en a reçu à peu près 200, tous ces transportés sort restés dans des camps de dépôt sur des îlots voisins de la côte, où ils attendent qu’on puisse les porter successivement dans des établissemens définitifs qu’on s’occupe de créer sur le continent. La mise en pratique des dispositions prescrites par le gouvernement parait avoir été un moment compromise bien plus par des fautes locales et par une mauvaise direction donnée, que par des obstacles matériels inhérens aux localités. Le gouvernement s’est appliqué à modifier cette situation dès que la nécessité d’y porter remède lui a été démontrée. Cette première phase d’une entreprise qui ne pourra marcher d’abord sans quelques tâtonnemens et certaines vicissitudes, a donc déjà produit un bon résultat. Depuis un an, il y a eu un peu de temps de perdu, cela est incontestable ; mais l’œuvre de la déportation est engagée, les premières bases en sont posées, c’est l’essentiel : le temps perdu sera d’ailleurs facilement regagné. Ajoutons que le projet de loi sur la déportation, présenté au corps législatif à sa dernière session, a fait un grand pas dans la session actuelle ; la commission chargée de l’examiner en propose l’adoption ; le rapport a été déposé. La discussion a été ajournée à l’année prochaine : il n’y a point à s’en plaindre. Le corps législatif, en discutant cette loi capitale, se trouvera en présence d’élémens plus complets, puisque l’expérience qui se fait à la Guyane aura deux ans de durée.

Si de la Guyane nous passons à nos établissemens de la côte occidentale d’Afrique, nous trouvons là nos intérêts coloniaux en progrès, à travers quelques-uns de ces incidens qui sont inévitables quand on poursuit une œuvre telle que la fondation de nouveaux comptoirs sur des cotes d’un si grand développement, où des populations à demi sauvages, abruties par l’esclavage et par la traite, sont facilement mises en mouvement par leur défiance instinctive contre la présence de la race européenne, défiance malheureusement exploitée quelquefois par des rivalités commerciales. Au Sénégal proprement dit, la domination française prévaut sans conflits sérieux sur les deux cents lieues de parcours de ce grand fleuve ; les opérations d’échange s’y accroissent à l’aide d’un produit nouveau, l’arachide, qui est venu s’ajouter à la gomme, longtemps leur élément presque unique. Le commandant de notre poste supérieur de Bakel a pu explorer paisiblement le magnifique bassin sénégalais supérieur à la grande cataracte du Félou. En même temps, on a vu le comptoir naissant de Grand-Bassam, à la Côte d’Or, s’enrichir d’abord d’une belle extension de son domaine, la lagune d’Ebrié, grand lac intérieur aux eaux douces et profondes, courant parallèlement à la mer sur un développement de plus de quarante lieues, ne communiquant