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entrent en mouvement, et les débuts sont de nature à faire espérer que peu à peu on verra se dissiper les incertitudes que les adversaires de la fondation d’établissemens de crédit aux colonies ont cherché à propager sur leur utilité et leurs élémens de succès.

On a vu en même temps se réaliser, sous la ferme direction du ministère de la marine et par le concours actif des autorités locales, les bons effets que promettait le décret du 13 février 1852, ce code du travail libre des colonies, où les règles du contrat de louage, les obligations réciproques des maîtres et des ouvriers, la répression du vagabondage, les principes de la police rurale, sont tracés de manière à fournir plus d’un élément pour l’amélioration de nos propres lois sur ces matières. La population noire des colonies s’est prêtée à l’exécution de ces mesures avec une docilité qui fait honneur tout à la fois aux colons, aux travailleurs, à l’autorité, et qui prouve à quel point ces affranchis d’hier sont maniables et comprennent l’empire des règlemens, lorsqu’on leur montre clairement que leur liberté n’est pas en jeu, et pourvu que de faux amis ne soient plus là pour leur crier le contraire.

L’année 1852 a vu s’achever aussi la liquidation de l’indemnité de 120 millions allouée aux colons pour l’émancipation de leurs esclaves, mesure réparatrice qui a grandement concouru à sauver le travail colonial, en mettant aux mains d’une partie des propriétaires des ressources directes pour le paiement du salaire à leurs ateliers, en allégeant les dettes de ceux qui ont dû abandonner leur part à leurs créanciers, et en leur rendant ainsi le crédit nécessaire pour obtenir de nouvelles avances et soutenir leurs exploitations.

On peut dire aujourd’hui que la question du travail libre aux colonies n’est plus qu’une affaire de prix de revient, et qu’il ne s’agit plus que de savoir si la France voudra continuer à consommer leur sucre. Si la production indigène ne dépassait pas ses proportions actuelles, les prix de la denrée se maintiendraient au chiffre où ils sont aujourd’hui, et les colons supporteraient la lutte. Si la concurrence de la production betteravière augmente, les prix tomberont ; alors, si le fisc ne se relâche pas de sa rigueur, si le droit d’entrée n’est pas abaissé, la production coloniale succombera, cela est inévitable, et comme ce ne sera pas pour se trouver en face du sucre étranger que le sucre de betterave aura écrasé son rival, notre commerce maritime recevra le plus rude coup dont il puisse être menacé. A ce point de vue, mentionnons ici, comme une mesure qui intéresse l’avenir des colonies et qui le sauvegarde peut-être, le décret du 2 février 1853, portant reconstitution de l’ancien conseil supérieur du commerce, et formons des vœux pour que ce comité aborde promptement les hautes questions dans lesquelles celle du régime commercial de nos colonies se trouve impliquée.

La fièvre jaune, qui a pris en 1851 son point de départ au Brésil, et qui a fait irruption dans les Guyanes, où on ne la connaissait pour ainsi dire point, a gagne en 1852 les Antilles, où on commençait, depuis une quinzaine d’années, à ne plus la regarder comme une maladie épidémique. Elle y a été fort meurtrière. La Martinique surtout a été cruellement maltraitée dans son personnel judiciaire, militaire, administratif et ecclésiastique. C’est le clergé qui a payé le plus large tribut au fléau, et il s’est montré à la hauteur de cette crise, dans la personne surtout du respectable évêque, qui est resté debout sans que ses vives