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de la population européenne en Algérie : le peu de sécurité dont ce territoire a joui jusqu’à la chute d’Abd-el-Kader en 1847, et peut-être également le peu d’attrait que présente à nos populations habituées à un climat tempéré le climat torride de l’Algérie. Il faut se souvenir que le Français, pris individuellement, manque en général de cette opiniâtreté dans la spéculation et le travail qui est nécessaire à un premier établissement sur une terre autrefois féconde, mais trop longtemps délaissée. La France, envisagée comme nation et comme gouvernement, a montré dans l’ère de la conquête de quel dévouement elle est capable militairement : aucune fatigue, aucun danger n’a rebuté une armée qui aurait pu ambitionner une mission plus éclatante sous un ciel plus clément ; mais le pays n’a point déployé dans l’ordre civil la constance infatigable à l’aide de laquelle il a jeté tant d’éclat guerrier sur les pacifiques années de 1830 à 1848. En un mot, la colonisation ne s’est développée qu’avec une lenteur longtemps inquiétante. Encore aujourd’hui le nombre des colons européens semble atteindre à peine à 150,000 âmes. En 1850, ce chiffre n’était que de 125,963 âmes, et si l’on considère qu’il était en 1848 de 109,400, on voit que le mouvement, même depuis l’époque de la chute d’Abd-el-Kader et la fin des dernières guerres sérieuses, n’a marché qu’avec une extrême timidité. Il est vrai qu’en 1848 l’augmentation a été de près de 11,000 âmes par suite des circonstances fâcheuses où se trouvait l’Europe ; mais grâce à des déceptions nouvelles causées d’ailleurs en partie par le manque de persévérance chez les nouveau-venus et en partie par le choléra, on a eu à constater en 1849 une nouvelle diminution de 2,494 individus. Enfin, en 1850, le mouvement d’immigration a repris avec vigueur, et l’accroissement du chiffre de la population européenne a été pour cette année de 13,356 âmes. Cette dernière donnée est du moins rassurante, et elle a dépassé les espérances restreintes que la statistique des années précédentes permettait de concevoir.

On ne doit pas oublier toutefois que l’accroissement de population qui s’est opéré depuis 1846 est dû principalement à la fondation des colonies agricoles dont le gouvernement républicain a pris l’initiative en 1848. D’après les chiffres officiels, l’établissement de ces colonies aurait porté en Afrique plus de 13,000 colons, et c’est à cette circonstance presque, exclusivement que ce progrès de la population serait dû. Ainsi l’esprit d’entreprise, l’activité individuelle et spontanée, les qualités véritablement propres aux colons sérieux n’ont pas peut-être joué le premier rôle dans ce mouvement de la population européenne en Algérie. On retrouve ici cette impuissance notoire des individus en France à rien fonder sans le concours du pouvoir, et dans cette occasion, on le sait, l’appui du gouvernement lui-même n’a pu faire prospérer ces établissemens, car, en matière de colonisation, rien ne remplace ce sentiment de responsabilité individuelle qui existe à un si haut degré chez les Anglo-Saxons, et qui en fait le premier peuple colonisateur du monde.

Il est d’ailleurs à remarquer que dans le chiffre de la population européenne en Algérie, les étrangers, Espagnols, Maltais, Italiens, Allemands, comptent pour une part considérable. En 1846, la statistique donne, sur 100 colons, 44 Français seulement contre 50 étrangers. Dans les années suivantes, la proportion a un peu changé au profit de la France. Elle était, notamment en 1849, d’environ 51 Français contre 49 étrangers. Dans ce chiffre si élevé des étrangers en Algérie,