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ont conservé à cet égard une très grande latitude, et les usages locaux prévalent sur toute autre règle. La fixation de cet impôt, que l’on désigne sous le nom de lezma, n’a lieu que d’après des données plus ou moins vagues sur la richesse de chaque tribu en bestiaux, en chameaux et quelquefois aussi en palmiers. Les impôts de toute nature levés sur les indigènes rapportent ensemble environ 5 millions de francs sur une population de près de trois millions d’âmes.

Le moyen de faire entrer dans l’esprit des Arabes quelques idées élémentaires de sociabilité, ce serait de commencer par les arracher peu à peu à la vie mobile de la tente et par les attacher davantage au sol. Aussi le gouvernement français s’est-il appliqué à encourager à la fois les constructions et les cultures. En ce qui regarde les constructions, l’administration s’est adressée à la vanité des grands propriétaires, et là où les grandes fortunes manquent, on a fait appel aux associations volontaires et aux cotisations régulières au moyen de centimes additionnels à l’impôt. Le gouvernement a fait d’ailleurs aux individus qui voulaient bâtir de nombreuses concessions de terrain, avec la plupart des avantages accordés aux colons français. Au commencement de 1851, les documens officiels comptaient dans la province d’Alger 1,030 habitations privées construites à l’instigation de l’administration française. « A Milianah, à Teniel-el- Had, à Orléansville, à Tenès, lisons-nous dans les documens officiels de 1851, on voit déjà des villages où la mosquée, l’école, le moulin, l’abreuvoir, sont groupés comme dans nos villages français. » Dans les provinces d’Oran et de Constantine, les constructions n’ont pu prendre encore le même développement. Cependant le progrès a été sensible dans ces dernières années. On évalue à 1,011,900 francs les constructions particulières faites dans la province d’Alger avant 1852, à 961,646 francs celles de la province d’Oran, et à 555,300 fr. celles de la province de Constantine. Ces dépenses ont été faites dans l’espace de trente mois. Indépendamment de ces constructions privées, les indigènes ont fait les frais d’un certain nombre de travaux d’utilité publique : tels sont les caravansérails établis sur les voies de communication les plus fréquentées, des ponts sur les principales routes, des barrages sur quelques cours d’eau, des bazars, des magasins, des bains maures. L’activité des populations de l’Algérie ne s’est pas moins manifestée par le développement des cultures que par celui des constructions ; ainsi en 1850 l’accroissement des labours a été, dans la subdivision d’Orléansville, de 28 pour 100 sur 1849. Les tabacs, qui pourrai un jour rivaliser avec ceux d’Orient, les oliviers, qui forment une des principales ressources des Kabyles, ont été l’objet de soins particuliers. Les plantations d’arbres fruitiers et de vignes ont eu lieu dans de très fortes proportions. Les Arabes ont appris à faucher le foin qu’ils avaient l’habitude de laisser consommer en vert, et dont la moitié était perdue. Enfin la race chevaline et la race ovine ont été de la part de l’administration l’objet de soins attentifs qui donnent les plus belles espérances.

On voit que le progrès de la civilisation, en ce qu’elle a d’élémentaire, est sensible parmi les indigènes. Ce fait ne suffit pas toutefois pour assurer l’avenir de la domination française en Algérie ; le but de la conquête ne serait pas atteint, si la colonisation ne venait consolider son Couvre. Malheureusement la colonisation n’a pas marché avec la rapidité et dans les proportions que l’on aurait pu désirer. Différentes causes ont retardé longtemps l’arrivée et l’établissement