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Il est incontestable que la majorité des tribus arabes englobées dans le territoire de l’Algérie a aujourd’hui le sentiment de la force de la France. Ce sentiment n’est point tel cependant que si la force cessait d’être présente, 1a soumission fût durable et à l’abri des séductions. Partout où existe l’islamisme, il commande, ou du moins nulle part encore on n’a vu des populations musulmanes supporter de plein gré un joug chrétien ; Est-il permis de penser que le lien des intérêts sera assez puissant pour faire oublier l’opposition des religions et des mœurs ? C’est l’espoir du gouvernement français, c’est là du moins que tendent ses efforts.

Le principe adopté relativement à l’administration des tribus arabes est bien connu. Autant que possible, on est convenu de gouverner les indigènes au moyen des indigènes eux-mêmes. C’est d’après la fixation des circonscriptions militaires qu’est déterminée L’organisation des tribus. L’élément primitif de la société arabe, c’est le douar, ou réunion de tentes rangées en cercle. La réunion de plusieurs douars forme une ferka ou traction qui est sous la direction d’un cheick. Une ferka considérable ou plusieurs petites ferkas rassemblées forment une tribu placée sous un kaïd. Plusieurs tribus constituent un aglialick sous un agha, et plusieurs aghalicks une circonscription administrée par un bachagha ou un kalifa. A l’exception du douar, qui n’est guère qu’un hameau, et dont le chef est un notable désigné par l’opinion, toutes les autres agglomérations ont des chefs choisis et nommés par l’autorité militaire. On sait le rôle important que jouent les bureaux arabes dans cette organisation : ils forment le lien entre les indigènes et l’administration militaire.

L’un des résultats les plus importans à obtenir était de régulariser la levée des impôts. Naturellement la base de ces impôts est assise sur les sources de revenus particulières à la société arabe. Les redevances sont de deux natures : la principale est Vachour (la dime), qui frappe les produits de la terre ; la seconde est le zekket, qui frappe les troupeaux et dont l’origine est religieuse. Le zekket n’existe pas dans la province de Constantine ; on y a substitué le hokor, qui représente le loyer de la terre et qui se perçoit en argent. Les rôles de l’impôt sont arrêtés par la commission consultative de la subdivision sur des listes fournies par les kaïds et les aghas au commencement du printemps. Ces listes constatent par tribu l’étendue des terres cultivées et le dénombrement des bestiaux. La rentrée de la dîme ne peut avoir lieu, on le comprend, qu’après la moisson ; la contribution sur les troupeaux est levée immédiatement. Le hokor, qui remplace cette contribution dans la province de Constantine, se lève en même temps que la dîme. Chaque chef arabe a une part dans les frais de recouvrement. Chaque djebda ou étendue de terrain qu’une paire de bœufs peut labourer dans une saison, évaluée à dix hectares au plus, doit à l’état une mesure de blé et une mesure d’orge. En considération des mauvaises récoltes des dernières années, l’impôt sur les grains a été perçu en argent. Dans la province de Constantine, il est évalué à 25 francs par djebda. Quant à l’impôt sur les troupeaux, il est fixé à un mouton sur cent, un bœuf sur trente et un chameau sur quarante. La contribution s’acquitte en numéraire d’après un prix moyen fixé dans la subdivision militaire pour chaque espèce d’animaux.

Chez les tribus qui ne sont point encore soumises à une administration régulière, l’assiette de l’impôt est à la fois incertaine et précaire. Les chefs indigènes