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la vie sociale. Une année ne s’était point encore écoulée depuis que le coup d’état du 2 décembre 1851 était venu changer la forme du pouvoir en France, et déjà l’idée qui avait présidé à l’élaboration dus institutions nouvelles s’était introduite dans les veines de la société qu’elle enveloppait en tous sens. A cet égard, aucune des grandes administrations chargées d’appliquer les vues du chef de l’état n’avait peut-être déployé plus d’activité que celle de l’instruction publique.


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(1) Voici la liste des membres du conseil supérieur en 1852 telle qu’elle résulte d’un décret supplémentaire du 9 mars : MM. Troplong, Poinsot, Elie de Beaumont, sénateurs ; Baroche, Charles Giraud, Michel Chevalier, conseillers d’état ; le cardinal archevêque de Reims, les archevêques de Paris et de Tours, les évêques d’Arias et d’Orléans ; le pasteur Rodolphe Cuvier, président de l’église consistoriale de la confession d’Augsbourg ; le pasteur Juillerat, président de l’église consistoriale de la communion réformée ; Franck, vice-président du consistoire central israélite ; MM. Portalis, président de la cour de cassation ; Delangle, procureur-général, et Rocher, conseiller à la même cour ; MM. Thénard, Saint-Marc Girardin, de Saulcy. Morin, Lelut, membres de l’Institut ; MM. Eugène Burnouf, Ravaisson, Nisard, Dumas, Leverrier, Brongniart, Bérard, inspecteurs généraux de l’enseignement supérieur ; M. l’abbé Daniel, inspecteur général de l’enseignement secondaire ; M. l’abbé d’Alzou, chef d’institution libre à Nîmes ; M. Bellague, chef d’institution libre à Paris.


VI – Colonies

Algérie, état de la colonisation. — Les Indigènes et l’administration française. — Siège et prise de Laghouat. — Colonies transatlantiques. — Le projet de charte coloniale. — Esprit public. — Conséquences de l’émancipation. — Progrès dans le travail libre. — Mesures diverses.

La France est mise depuis quelques années à une sérieuse épreuve en ce qui regarde ses colonies : il s’agit de savoir si elle a conservé l’énergie nécessaire pour ne pas rester en arrière du grand mouvement colonial auquel les peuples de race anglo-saxonne obéissent aujourd’hui. La conquête a placé à ses portes un vaste territoire que depuis plus de vingt années elle arrose presque constamment de son sang et dans lequel elle enfouit des trésors. Va-t-elle enfin recueillir le fruit de tant de sacrifices ? Par-delà l’Océan, elle possède aussi des établissemens dont le nombre et l’étendue ont, il est vrai, considérablement décru depuis un siècle, mais qui offrent encore un champ assez beau à son activité. Suffirait-il de ne point les laisser dépérir ? Non sans doute : aujourd’hui que les colonies françaises sont débarrassées de cette grande question de l’esclavage, heureusement résolue, et qu’elles peuvent suivre sans préoccupation leur destinée, il faut que leurs progrès soient en harmonie avec le progrès matériel qui se manifeste en ce moment dans le monde entier, et auquel participent si largement les colonies anglaises. Puisque l’on a renoncé en France aux luttes de la parole, et qu’au dedans la société a repris le goût des affaires jusqu’à la fièvre, le moment serait venu, ce semble, d’agir aussi au dehors ; or le plus grand moyen d’action extérieure qui soit aux mains d’un gouvernement, c’est la colonisation.

ALGERIE. — Bien que la domination française en Algérie ne puisse encore sans imprudence renoncer aux moyens d’intimidation militaire, on peut dire que la phase belligérante est passée. Les expéditions, de temps à autre encore nécessaires pour ramener à l’obéissance quelques chefs turbulens, donnent lieu à d’heureux faits d’armes isolés tels que le siège de Zaatcha en 1850 et l’assaut de Laghouat en 1852. Ce qui intéressé aujourd’hui dans la situation de cette colonie, ce sont moins toutefois ces incidens où ne manqua jamais d’éclater la valeur de notre armée que l’état de la colonisation et le progrès des idées européennes parmi les Arabes. Comment le régime français est-il accepté par les indigènes ? comment les colons envisagent-ils la tâche qui s’offre à eux ? Telles sont aujourd’hui les questions sur lesquelles l’attention se porte de préférence.