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un point de vue relatif, et où les rapports ne constituent généralement qu’une série de transactions ? S’il y a quelque chose de plus déplorable que les combinaisons nuageuses et vagues qui résultent si souvent des leçons d’un idéalisme qui ne sait ni se régler ni se contenir, et que l’on a pu reprocher à quelques métaphysiciens de notre temps, c’est assurément ce matérialisme abstrait qui a la prétention de se réduire en formules précises, et que nous avons vu prêché tour à tour sous le nom de saint-simonisme et de fouriérisme par des mathématiciens. Telles sont les objections qui se fussent légitimement élevées contre un système d’enseignement qui eût voulu réellement abaisser le niveau des études littéraires, consommer un divorce fâcheux entre les lettres et les sciences, et exalter celles-ci aux dépens de celles-là ; mais était-ce là le but que le gouvernement s’était proposé ? Voici ce que le ministre de l’instruction publique avait répondu aux critiques que ses réformes avaient soulevées : « Loin de vouloir abaisser les esprits en les emprisonnant trop tôt dans les études spéciales, avait-il dit dans sa circulaire du 12 avril aux recteurs des académies, nous avons la prétention de leur donner un nouvel essor par d’utiles rapprochement ; mais, pour que ce plan réussisse, il ne faut pas que toutes les intelligences participent au même enseignement dans la même mesure et suivant la même méthode. Nous voulons un enseignement scientifique approprié aux dispositions des enfans voués par goût au culte des lettres. Nous voulons un enseignement littéraire qui convienne aux mathématiciens. Nous n’élèverons donc pas un mur de séparation entre les sciences et les lettres ; nous les associerons dans une juste mesure, et pour que les nouveaux programmes atteignent leur but, l’examen du baccalauréat ès-sciences comprendra des épreuves littéraires, comme l’examen du baccalauréat ès-lettres comprend des épreuves scientifiques. » On a vu que cette promesse a reçu son exécution dans le programme des études publié pour la réouverture de l’année scolaire 1852-53.

En présentant au ministre les conclusions de la commission mixte instituée pour mettre l’enseignement des lycées d’accord avec celui des écoles spéciales, M. Dumas avait dit de son côté que la commission, tout en reconnaissant à chaque enseignement son importance, plaçait celui des lettres au premier rang. La commission attribuait le second aux mathématiques, le troisième à la physique et à la mécanique, le dernier à la chimie et aux sciences naturelles. Plus tard, lorsque l’on avait déjà pu juger sur l’application même le nouveau programme d’études, le ministre saisit l’occasion de l’inauguration de l’école secondaire de médecine de Lille pour exposer de nouveau la pensée du gouvernement sur la réforme accomplie. « Nous avons trouvé dans les établissemens de l’état, dit-il, en quelque sorte deux générations d’élèves qu’on y formait à deux disciplines absolument contraires. Les uns, appliqués à la culture des lettres, n’attachaient aucun intérêt à l’étude des sciences qu’on leur enseignait, peu appropriées à la nature de leur esprit, les autres, tout entiers occupés à la poursuite de quelques notions des sciences utiles, demeuraient entièrement étrangers à la connaissance des admirables modèles de la littérature antique. Nous nous sommes proposé de mettre fin à ce divorce qui, dans un avenir prochain, devait frapper les intelligences d’une langueur mortelle ou les exposer à tomber dans la barbarie. Nous avons voulu que les lycées, qui restent en possession de marquer le niveau de l’éducation dans notre pays, donnassent d’abord à tous les enfans la culture