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Les compagnies, de leur côté, s’engageaient à verser 16 millions entre les mains de l’état pour le prolongement du chemin du Centre, et à exécuter le prolongement de Poitiers à La Rochelle et Rochefort.

Dans cette combinaison, les actionnaires du chemin du Centre ont reçu une action d’Orléans pour deux actions du Centre, ou un capital de 500 francs pour un capital de 1,000 francs versé ; le chemin de Bordeaux, une action d’Orléans pour trois actions versées à 275 francs et formant un versement total de 825 fr. ; le chemin de Nantes, une action d’Orléans pour quatre actions versées chacune a 175 francs, formant ensemble 1,700 francs.

Mais en regard de cette réduction de la valeur représentative du capital versé, on remarquait que cette combinaison devait opérer un accroissement certain de revenu, et il paraissait présumable qu’en tout temps chacune des nouvelles actions aurait une valeur effective en rapport avec le capital réellement versé, même par ceux qui seraient traités le moins favorablement. Les actionnaires se trouvaient d’ailleurs prémunis contre les conséquences de la sortie de leurs actions lors des tirages. Le revenu de l’action de jouissance, joint à celui des 500 francs remboursés, pouvait former encore une représentation avantageuse de ce capital. La condition qui dominait ici toutes les autres, c’était la certitude d’un revenu plus considérable. Les résultats jusqu’à présent connus justifient pleinement les prévisions sous l’influence desquelles la fusion s’est accomplie.

La fusion, envisagée dans sa portée politique, n’est que le début de l’application d’un système qui consisterait à former de grands réseaux tout à la fois géographiques et commerciaux dans la circonscription desquels la construction et l’exploitation des embranchemens seraient confiées aux grandes compagnies déjà concessionnaires des lignes principales. On conçoit, sans qu’il soit besoin de les déduire en détail, quels seraient les avantages de ce système : influence légitime du gouvernement, sécurité des capitaux engagés et par conséquent fixité dans leur valeur, aménagement modéré de l’émission de titres nouveaux, économie pour les compagnies et dès lors pour le public ; tous les intérêts auraient à s’applaudir de la généralisation de ce système.

On voit l’essor qu’ont pris les affaires financières ou industrielles en 1852. Tout en reconnaissant ce qu’il y a de fécond pour le bien public dans ce déploiement d’activité, on conçoit de quelle prudence le gouvernement a besoin pour ne pas ressentir plus que de raison l’influence d’un mouvement qui n’est salutaire qu’à la condition de rester réglé, et qui pourrait bien dégénérer en une véritable fièvre de Spéculation, s’il n’était contenu.

Dans ces fondations de grands établissemens de crédit, il s’est formé des fortunes exceptionnelles, qui, on ne saurait le nier, menacent de tourner à une sorte de monopole pour toutes les concessions qui se présentent, et de faire à cet égard la loi à la fois au pouvoir et au pays. Le gouvernement ne pouvait manquer de le sentir ; aussi l’a-t-on vu résister à cette tendance à tout mettre en concessions au profit de quelques hommes et de quelques maisons privilégiées. On peut donc espérer que ce mouvement, qui a porté jusqu’à ce jour de bons résultats, ne dépassera point les bornes au-delà desquelles il commencerait à être dangereux.


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(1) L’Annuaire de 1851 a fait connaître dans ses détails ce mouvement de réorganisation.
(2)Voici du reste les chiffres officiels depuis 1846 jusqu’en 1852 :

millions millions
1846 827 1850 745
1847 825 1851 744
1848 681 1852 810
1849 707

(3)On doit en effet se souvenir que l’impôt du sel, la taxe des lettres, les octrois, les droits d’enregistrement sur les boissons ont été notablement diminués.
(4) Deux banques seulement avaient été autorisées à Marseille et à Nevers, quatre étaient en instance d’autorisation à Lyon, Toulouse, Bordeaux, Rouen.