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avec une franchise à la fois brutale et malicieuse, le conseil d’en faire le but particulier de sa politique. A une autre extrémité du monde moral, on avait remarqué M. de Montalembert, qui, d’abord partisan du coup d’état, n’avait pas tardé à se séparer du gouvernement lors des décrets du 22 janvier 1852. En traitant des intérêts catholiques au dix-neuvième siècle, M. de Montalembert en était même venu à professer que le gouvernement nouveau ne pouvait durer, s’il ne rétablissait en faveur de l’église la liberté parlementaire, un système plus libéral et plus en harmonie avec les mœurs du pays. Nous ne ferons que citer Napoléon le Petit, de M. Victor Hugo, œuvre de représailles écrite avec une virulence dans laquelle dominent trop souvent les préoccupations de l’écrivain radical et du proscrit. Au milieu de ces rares manifestations politiques, on distinguait le travail d’un esprit qui n’avait pas toujours été aussi heureux dans ces derniers temps, l’Histoire de la Restauration, de M. de Lamartine. Sans allusions directes à la situation présente, le poète avait reproduit, dans un tableau animé et brillant, les agitations d’une époque féconde en espérances libérales au milieu même des entraves où la liberté se sentait mal à l’aise. Voilà, en définitive, à quoi se réduit l’action des partis en 1852 ; C’est à peine si elle effleure à la surface l’opinion du pays, presque exclusivement occupé à jouir de la sécurité qu’il n’avait point connue depuis 1848. Le besoin et le goût du repos forment donc le trait principal de la situation des esprits en France au début de la période qui s’ouvre pour elle avec le rétablissement de l’empire. Après les agitations auxquelles la société a été en proie durant quatre années, il semble qu’elle se livre avec un complet abandon à la satisfaction de vivre en paix, et qu’elle n’ait que de l’indifférence pour tous les efforts qui tendraient à la ramener aux luttes politiques.


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(1) On attribua ce vote négatif à M. Vieillard, ancien précepteur du prince Louis-Napoléon.
(2) Ces chiffres représentent le résultat officiel des votes tel qu’il fut présenté à l’empereur ; le nombre des suffrages affirmatifs fut grossi par ceux de l’armée et de quelques communes dont le vote n’était point encore connu le 1er décembre. Il s’éleva en définitive à 8,157,752. Celui des suffrages négatifs était de 254,501. On comptait 63,999 bulletins nuls.
(3) L’un de ces manifestes, celui de la société la Révolution, se terminait ainsi : « Laissez la police et les parasites de tous les temps travailler à la guirlande impériale, et vous, préparez le chanvre vengeur. Oui, la nuit, le jour, au milieu des foules comme dans l’ombre, reconnaissez-vous, organisez-vous, fortifiez-vous : que chacun vive dans tous et tous dans chacun ; qu’une loi commune vous anime, la foi révolutionnaire, implacable, persévérante, hardie comme celle de nos pères de 92, et toujours prête à se lever, à frapper. Citoyens, devant un tyran, un parjure, un assassin des libertés publiques, voilà le seul grand devoir à remplir. » L’autre manifeste, signé Victor Hugo, Fombertaux et Philippe Faure, était émané des démocrates-socialistes résidant à Jersey. On y distinguait particulièrement les déclarations suivantes : « Citoyens, Louis-Bonaparte est hors la loi, Louis-Bonaparte est hors l’humanité. Depuis dix mois que ce malfaiteur règne, le droit à l’insurrection est en permanence et domine, toute la situation. A l’heure où nous sommes, un perpétuel appel à l’insurrection est au fond des consciences… Le Français digne du nom de citoyen ne sait pas, ne veut pas savoir s’il y a quoique part des semblans de scrutin, des comédies de suffrage universel et des parodies d’appel à la nation ; il ne s’informe pas s’il y a des hommes qui votent et des hommes qui font voter, s’il y a un troupeau qui s’appelle le sénat et qui délibère, et un autre troupeau qu’on appelle le peuple et qui obéit. Il ne s’informe pas si le pape va sacrer au maître-autel de Notre-Dame l’homme qui, — n’en doutez pas, ceci est l’avenir inévitable, — sera ferré au poteau par le bourreau. En présence de M. Bonaparte et de son gouvernement, le citoyen digne de ce nom ne fait qu’une chose et n’a qu’une chose à faire : charger son fusil et attendre l’heure. »


IV – Administration et finances

Liste civile. — Maison de l’empereur et de l’impératrice. — Mécanisme des grands pouvoirs. — Situation financière. — Établissemens de crédit. — Chemins de fer.

Les changemens apportés à la constitution du pays par suite du coup d’état du 2 décembre 1851 avaient amené d’importantes modifications dans l’organisation de quelques ministères, la suppression de l’un de ces ministères, celui de l’agriculture et du commerce, et la création de deux autres, le ministère d’état et celui de la police générale (1).

La réforme opérée dans la constitution, par suite du rétablissement