Page:Annales du Musée Guimet, tome 7.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée
293
LES COQUILLES SACRÉES

Dans la belle collection du musée Guimet, quatre Vishnou, dont trois en bronze et un quatrième en bois faisant partie d’un fragment de char sacré fort ancien, Pl. IV, portent une conque à la main gauche. Elle est de forme turriculée, l’ouverture en avant, la columelle dans la main, le sommet en l’air. L’ouverture est généralement peu profonde ; un examen attentif de la coquille nous a démontré qu’elle était sénestre, c’est-à-dire, que l’enroulement des tours se faisait de gauche à droite, la coquille ayant sa columelle en bas ; dans ces conditions, l’ouverture se trouve nécessairement à gauche. Nous reportant au grand ouvrage de Moor, Hindu Panthéon, nous avons pu nous convaincre que plusieurs des Vishnou qui y sont représentés, ont également en main une coquille sénestre. Le plus souvent, soit dans les figurations, soit dans les originaux, l’ouverture de la conque est assez mal représentée ; un simple trait, parfois, indique sa position ; dans les statuettes déjà mieux conservées, ou d’un travail un peu plus fini, l’ouverture est figurée par une sorte de point d’interrogation, dont la boucle supérieure est tournée à gauche. Enfin, dans quelques bons exemplaires, comme ceux de la collection Guimet, ou comme ceux de la planche XIII de Aloor, on distingue nettement les caractères de sinistrorsité de la coquille, soit par la position de l’ouverture, soit par la direction des tours de la spire dans leur enroulement. Ce lait de la sinistrorsité dans la conque de Vishnou est des plus singulier. Nous aurons occasion d’y revenir plus loin.

Mais le Vishnou idéal n’a pas seul le monopole de la conque ; nous la retrouvons également dans quelques-uns de ses avatars ou incarnations. Ce dieu, éminemment bon, quitte son paradis et descend sur la terre pour combattre quelque calamité menaçant le genre humain, pour accomplir quelques grands progrès civilisateurs, ou ramener dans le chemin du bien ses fidèles égarés. Il revêt alors dix formes différentes ou avatars : Matsyâvatâra ou Vishnou incarné en poisson pour sauver du déluge Vaivaçvata le septième Manou et procréateur du genre humain ; Kourmâvatâra, ou Vishnou incarné en tortue au sein de la mer de lait, océan delà création ; Varahâvalâra, ou Vishnou incarné en sanglier pour reconquérir la terre ; Nara-Siruhâvatâra, ou Vishnou devenu l’Homme-lion, pour délivrer le monde de la tyrannie de Hiranya-Kaçipou, le roi invulnérable des Daityas ; sous toutes ces formes