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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

de la lune croissante au jour de la nouvelle lune et de 354 jours, ou, lorsqu’il y a un mois intercalaire, de treize mois (et de 384 jours).

    entre deux conjonctions successives de la lune et du soleil, d’une nouvelle lune à une autre. Cependant afin d’éviter les tractions on a fait des mois qui ont alternativement 29 et 30 jours, ce qui donne une année de 354 jours. Chacun de ces mois, qu’il soit de 29 ou de 30 jours, est divisé en 30 parties inégales appelées Tithis ou dates. Ces dates ne se comptent pas de 1 à 30, mais seulement de 1 à 15, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la première moitié de chaque mois qui est appelée demi-mois de la lune croissante ou brillante ; puis elles recommencent de 1 à 15, pour la seconde moitié du mois qui est appelée demi-mois de la lune décroissante ou obscure. Ensuite les astronomes Indous ont inventé un système compliqué de mois intercalaires, que nous expliquerons dans le chapitre III, afin de faire concorder celle année de 354 jours avec le cours du soleil et avec les saisons.

    Cette année lunaire, visiblement synodicale, a existé pendant des décades de siècles et plus longtemps peut-être, et c’est encore la seule qui soit employée par toutes les sectes indoues dans toute l’étendue de l’Inde. Il faut attribuer tout ce que les Européens ont écrit de faux sur ce point, en contradiction avec ce fait, soit à des malentendus, soit au manque de soin des auteurs, soit encore à ce qu’ils ne connaissaient pas suffisamment le sanscrit, sans lequel il est impossible de bien comprendre aucun calendrier indou. Lorsqu’un savant, comme Duncan Forbes dit, dans sa Grammaire indoustanie, p. 148, que les Indous supputent le temps par années solaires divisées en douze parties égales qu’il lui plait d’appeler mois solaires, je ne puis expliquer ce fait qu’en supposant qu’il a dû prendre par erreur les Tithis ou dates indoues pour des jours, quoique la différence soit énorme. Peut-être a-t-il remarqué, en étudiant les dates des mois, qu’il y en avait toujours trente ; mais s’il avait compté les jours, c’est-à-dire, dimanche, lundi, mardi, etc., il se serait vite aperçu que six des douze mois de l’année n’ont réellement que vingt-neuf jours ; il aurait alors étudié la véritable nature de la Tithi et il aurait trouvé que c’est une division étrange des mois en trente parties fort inégales, que le mois ait trente ou vingt-neuf jours. Il aurait rencontré des Tithis de plus de 26 heures et d’autres d’à-peine 21 heures, ce qui prouve que le principe de computation des Tithis est très différent de celui des jours terrestres, ou sidéraux. Le Sûrya Siddhanta, chap. XIV, 12, s’exprime sur ce sujet dans les termes suivants : « Le temps dans lequel la lune, s’éloignant du soleil, décrit douze degrés de son orbite est une Tithi ». Le professeur Kéropant Chatré, le célèbre astronome indou, a eu la bonté de me donner la définition suivante de la Tithi : « La Tithi, dit-il, est le temps nécessaire à la lune apparente pour s’éloigner de douze degrés du soleil apparent. » Par conséquent, la computation de la Tithi repose d’abord sur une division arbitraire de l’orbite mensuel en trente parties égales de douze degrés chacune, parties qui sont prises comme mesure du temps que la lune met à les parcourir. Si la course de la lune était constamment uniforme, les Tithis aussi seraient uniformes ; mais comme sa rapidité augmente ou diminue à mesure que, dans sa révolution elliptique, la lune s’approche ou s’éloigne de la terre, il est évident qu’il lui faut plus de temps pour décrire certains arcs de douze degrés que d’autres, et que, donc, les Tithis doivent être inégales. L’examen attentif des tables d’un calendrier sanscrit montre que les Tithis les plus courtes se présentent lorsque la lune est le plus près de la terre, puisque la rapidité de sa course est alors plus grande. Il est évident aussi que, puisque au moins une des Tithis de chaque mois est de près de 27 heures, le soleil doit se lever deux fois pendant sa durée. C’est ce qu’on appelle la Tithi-Vriddhi, qui comprend un jour entier et parties des deux jours qui la précédent et la suivent. Dans ce cas, le premier des trois jours garde la date de la Tithi précédente dans laquelle a eu lieu un lever de soleil : soit, par exemple, le cinq, un Tithi ; le jour inclus est réellement le six, le mardi, et le troisième jour, le mercredi, est la Tithi-Vriddhi, ou six complémentaire. Mais de cette façon, nous aurions un jour en plus à la fin du mois, s’il n’était pas réduit au moyen de la Kshaya-Tithi ou date soustractive. C’est la Tithi courte dans laquelle il ne se trouve pas de lever de soleil. On la réunit à la Tithi précédente et on les compte pour un seul jour, ce qui ramène les jours à leur nombre original, c’est-à-dire, 29 1/2, ou 29 dans un mois et 30 dans le mois suivant, tandis que, par l’ensemble de ce procédé, les deux mois se trouvent divisés en trente Tithis, absolument indispensables pour l’accomplissement des rites funéraires obligatoires, par exemple, que, chaque mois et chaque année, doivent être célébrés à la date exacte du décès. Si l’on n’avait pas imaginé cette subdivision des mois lunaires de 29 et 30 jours terrestres, il aurait été impossible de célébrer dans le mois de 29 jours le rite funéraire d’un individu mort le dernier jour d’un mois de 30 jours. Ces dates embarrassantes qui peuvent commencer à toute heure du jour et qu’on