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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

série si longue que son commencement est au delà de la portée du calcul et que sa fin coïncidera[1] avec la fin du monde, d’où il suivrait que chaque génération est le résultat exact, inévitable et naturel de la génération qui l’a précédée, cette dernière étant le résultat d’une génération précédente, et ainsi, successivement, durant un passé réellement sans limites. »

Cette manière de définir la transmigration est si différente de celle qui est généralement admise, que je crois utile de traduire ici ce qu’en dit Th. Goldstücker qui a été un des premiers à nous la faire connaître en Europe[2].

« Suivant les Brahmanes et la plus grande masse des Bouddhistes, c’est toujours la même âme qui, depuis sa première naissance, revient dans ses naissances subséquentes, jusqu’à ce que, enfin, elle soit complètement délivrée de la transmigration. Mais chez les Bouddhistes du Sud, une idée a aussi pris racine. Dans leur croyance, la succession des existences d’un être est aussi une succession d’âmes et, chacune de ces âmes, quoique étant le résultat de celle qui l’a précédée, n’est nullement identique avec elle, de sorte que le corps meurt et l’âme avec lui, ne laissant derrière elle que les bonnes et mauvaises actions qu’elle a faites pendant sa vie. Le résultat de ces actions devient alors la semence d’une nouvelle vie, et l’âme de cette nouvelle vie est, en conséquence, le produit nécessaire de l’âme de la vie antérieure[3]. Ainsi,

  1. À moins que le Nirvâṇa n’interrompe cette série d’existences, ce que {{M.|Rhys Davids ne nous dit pas ici.
  2. Chambers Encyclopœdia, au mot Transmigration. Reproduit dans les Literary Remains of Th. Goldtsücker, t. I, p. 205 et suiv. Voy. aussi Koeppen, Die Religion des Budda, p. 300.

    Mgr Bigandet, dans son beau livre : The life of Gaudama etc., Rangoon, 1866, p. 21. en note, (traduct. franç., p. 27), nous avait aussi fait connaître cette doctrine qu’il traite de startling « étrange, étonnante », laquelle, ajoute-t-il, est généralement inconnue au peuple. Voyez aussi : Buddhist controversye held at Pantura, Ceylan, 1873, p. 16-18.

  3. Ceci est le contraire de ce qu’enseignent les Oupanichats brahmaniques : « L’âme n’est pas produite par une autre et nulle autre n’est produite par elle. Sans naissance, éternelle et sans déclin, elle n’est pas tuée quoique le corps soit tué. Si celui qui tue dit : Je tue, celui qui est tué dit : Je suis tué, tous les deux ne connaissent pas la vérité. » Kathaka Oupanichat, p. 105, trad. anglaise, dans la Bibliotheca indica ; Bhagavadgîtâ, II, 19.