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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Et je reconnais, Religieux, qu’il faut que je mange un seul fruit de Kola et pas un second. Et si c’est votre pensée, Religieux, que le Kola de ce temps-là était plus gros, ce n’est certes pas ainsi qu’il faut voir. En ce temps-là, en vérité, le Kola était le même. Et mon corps à moi qui ne prenais pour nourriture qu’un seul Kola, devint extrêmement maigre et très faible. Comme par exemple, Religieux, les nœuds de la plante Asîtaki ou les nœuds de la plante Kâlika. Tels étaient nies membres et leurs parties. Comme, par exemple, les côtes du crabe, telles aussi étaient mes côtes. Comme, par exemple, dans l’écurie des bêtes de somme ou l’étable des éléphants qui tombe en ruine, trouée des deux côtés, les intervalles des solives sont brillants et éclairés de deux côtés, de même aussi, mes côtes, à l’intérieur du corps, étaient à jour des deux côtés, et éclairées. Comme, par exemple, le tissu d’une tresse est haut et bas, inégal, de même mon épine dorsale était haute et basse, inégale. Comme, par exemple, une gourde coupée jeune, se fane, se fane encore et se dessèche entièrement, de même aussi, ma tête se fanait, se fanait encore, se desséchait entièrement. Comme, par exemple, au dernier mois de l’été, les (images des) étoiles se sont abaissées dans les puits et ne se voient plus qu’avec peine, de même aussi, les prunelles de mes yeux s’étaient enfoncées et ne se voyaient plus qu’avec peine. Comme, par exemple, le pied de la chèvre ou le pied du chameau, de même aussi, étaient mes épaules, mon ventre, ma poitrine et le reste. Et, Religieux, lorsque je disais : C’est mon ventre que je touche avec la main, c’était l’épine dorsale que je touchais. Et en disant : Je me lève, et que je me suis levé, j’étais tellement courbé que je tombai à la renverse. Relevé avec peine, quand j’ai frotté avec la main mes membres couverts de poussière, tous les poils corrompus se détachèrent du corps et la couleur belle et délicate qui était la mienne autrefois, disparut par l’effet du rude abandon de moi-même qui me dominait. Et les gens qui demeuraient dans le village voisin du lieu oùj’étais pensaient : Ah ! vraiment, il est noir, le Çramana Gâutama ! Ah ! vraiment, il est bleuâtre h Çramana Gâutama ! Ah ! vraiment, il a la couleur du poisson Madgoura, le Çramana Gâutama ! La belle et délicate couleur qu’il avait autrefois a disparu !

Religieux, ceci me vint à la pensée : Il faut que je m’applique dans une plus forte mesure à prendre peu de nourriture. Et je reconnais qu’il ne faut