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LALITA VISTARA. — CHAPITRE XV

110. Je ne boirai plus de breuvage agréable, je ne mangerai plus de mets savoureux, je dormirai sur la terre, je porterai pour couronne les cheveux nattés des ascètes, abandonnant l’usage du bain, je pratiquerai les coutumes des pénitents, tant que je ne verrai pas le Bôdhisattva rempli de qualités !

111. Tous les jardins sont sans fleurs et sans fruits ; les guirlandes pures, sombres et fanées, semblent couvertes de poussière ; ce séjour ne brille plus, pareil à un désert, depuis qu’il a été abandonné par le meilleur et le plus grand des hommes.

112. Ô mélodieux accords des instruments et des voix les plus douces ! appartement des femmes rempli d’une profusion d’ornements, jour voilé par des treillis d’or, je ne vous regarderai plus, privée de celui qui est rempli de qualités !

113. La sœur de la mère (du Bôdhisattva), prise du plus violent chagrin, console Gopâ en disant ;  : Ne pleure pas, fille des Çâkyas ! Autrefois il avait été dit par le plus grand des hommes : Je ferai en sorte, dans le monde, qu’on soit délivré de la vieillesse et de la mort !

114. Et le grand Rĭchi, qui a pratiqué mille vertus, était parvenu à la distance de six Yodjanas, au milieu de la nuit. Il avait donné à Tch’andaka le meilleur des chevaux et les ornements (en disant) : Prends-les et retourne à la ville de Kapila.

115. À mon père et à ma mère redis ces paroles de moi : « Le jeune prince est parti, ne vous affligez pas davantage. Quand il aura atteint l’Intelligence suprême, je reviendrai (a-t-il dit) ; et, après avoir entendu la Loi, vos esprits seront apaisés. »

116. Tch’andaka a dit encore, en pleurant, au guide (des créatures) : Je n’ai ni pouvoir, ni force, ni courage. S’ils me frappent, les parents rassemblés du meilleur des hommes (en disant) : Tch’andaka, où a-t-il été conduit, le Bôdhisattva, rempli de qualités ?

117. Ne crains rien, Tch’andaka, a répondu le Bôdhisattva. Devenus joyeux aussi, mes parents rassemblés verront toujours en toi un précepteur ; ils se conduiront avec toi avec la même bienveillance qu’avec moi.

118. Tch’andaka ayant pris le meilleur des chevaux et les ornements, arrivé au jardin du meilleur et du plus grand des hommes : Le garde du jardin, pris d’un élan de joie, dit aux Çâkyas l’heureuse nouvelle :

119. « Le jeune prince, avec le meilleur des chevaux et Tch’andaka est arrivé au jardin ; il ne faut plus le pleurer. » Le roi l’ayant appris, entouré des Çakyas, est venu pris d’un élan de joie.

120. Gôpâ qui connaissait l’esprit ferme du Bôdhisattva ne se réjouit pas et n’ajouta pas foi à ce discours. Il est impossible qu’étant parti, le jeune prince, sans avoir l’Intelligence, soit revenu ici.

121. Le roi ayant vu le cheval excellent et Tch’andaka, poussa un grand cri et tomba étendu à terre, « Ah ! mon fils, si habile à chanter et à jouer des instruments ! Où es-tu allé après avoir abandonné toute royauté ? »

122. Tch’andaka parle-moi franchement ici : Quel est le dessein du Bôdhisattva et où est-il allé ? Par qui a t-il été conduit ? Par qui ont été ouvertes les portes ? Comment a-t-il été honoré par les dieux ?

123. Tch’andaka dit : Écoutez-moi, seigneur des rois. À minuit, dans la ville où