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FRAGMENTS TRADUITS DU KANDJOUR

Amṛtodana et d’autres Çâkyas au nombre de soixante-quinze mille virent les vérités. Puis, sur beaucoup de milliers de créatures, les uns obtinrent le fruit de Çrota-âpatti, d’autres celui de Sakṛdâgmi, d’autres celui de Anâgami ; d’autres enfin se firent initier, rejetèrent toutes les souillures et atteignirent à l’état d’Arhat ; sortis en masse de cette réunion et s’appuyant sur le Buddha, venant à la Loi, venant à la Confrérie, ils s’établirent solidement (dans cette situation nouvelle).

Le roi Çuddhodana se dit : Mon fils a une si grande puissance surnaturelle, un si grand pouvoir ! Et la joie que cette pensée lui donna l’empêcha de voir les vérités. Devadatta, le vicieux, en proie, aux passions, orgueilleux, ne vit pas non plus les vérités à cause de son orgueil.

10. conversion de çuddhodana

Bhagavat se dit ensuite en lui-même : Par quelle cause le roi Çuddhodana ne voit-il pas la vérité ? C’est par deux causes qu’il ne voit pas la vérité : d’un côté il est extrêmement ambitieux, de l’autre il est extrêmement chagrin. Voici, en effet, le raisonnement du roi Çuddhodana : Autrefois, le prince Sarvârthasiddha recevait des offrandes des dieux et des hommes ; maintenant il ne reçoit plus d’offrandes ni des dieux, ni des hommes ; et cette pensée lui met au fond du cœur un chagrin extrême.

Bhagavat se dit encore en lui-même : Pour convertir le roi Çuddhodana, il me faut enseigner la loi à une réunion de dieux. Cette réflexion faite et cette détermination prise, il créa une pensée pour le monde. Or, c’est une loi que si les bienheureux Buddhas créent en eux-mêmes une pensée pour le monde, la pensée de Bhagavat est connue de tous les êtres vivants, même des scarabées. Mais s’ils créent une pensée qui dépasse le monde, les Pratyekabuddhas eux-mêmes ne connaissent pas la pensée de Bhagavat, à combien plus forte raison les auditeurs et les autres (ne peuvent-ils la connaître)[1] !

  1. Cette création d’une « pensée mondaine », laukikam cittam, en sanskrit, est citée très souvent dans les textes, sans y être expliquée comme ici. Nous croyons devoir ajouter l’explication donnée dans le Divya-avadâna (I, fo 46), et qui concorde avec celle de notre texte, sans lui être identique. « C’est une règle que, dans le temps où les bienheureux Buddhas produisent une pensée mondaine, les êtres vivants, les Kuntas même et les grandes fourmis noires Pippîlikâs connaissent par leur intelligence la pensée de Bhagavat, les Nâgas la perçoivent. Quelle est, se disent-ils, la cause pour laquelle Bhagavat a produit une pensée mondaine ? »