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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

moire à côté, il se tint là dirigeant ses pensées et leur donnant cette expression :

Aussi longtemps que je n’aurai pas obtenu l’impeccabilité, aussi longtemps je resterai les jambes croisées sans perdre cette position ;

Oui, tant que je n’aurai pas trouvé l’impeccabilité, je resterai les jambes croisées, je ne quitterai pas cette position[1].

Dans le temps où, au milieu des veilles de la nuit, Bhagavat, après avoir dompté par la force de l’amour, le démon accompagné de trois cent soixante millions d’auxiliaires, et avoir reçu dans son cœur la science au-dessus de laquelle il n’y a rien, vint à Bénarès, à la demande de Brahmâ, et fit tourner de douze manières, en la répétant trois fois, la roue de la loi qui renferme la loi, en ce temps-là, il convertit successivement cinq, puis vingt-cinq, puis cinquante enfants de la ville et du plus haut parage ; de là, s’étant rendu dans la forêt de Karvasi [ka][2], il établit dans les vérités la troupe de Bhadravarga[3] au nombre de soixante personnes ; s’étant ensuite rendu à Grong-ṣde-hdong, il établit dans les vérités les deux filles d’un habitant, Nandâ et Nandabalâ. Parti de là pour Uruvilva, il initia et reçut solennellement mille Jaṭila[4], « chevelus, aux cheveux nattés. « Étant allé ensuite au Caitya du mont Gayâ, il fît à mille Bhixus une démonstration appuyée de trois prodiges, et après les avoir retirés du désert de la transmigration, il leur fit atteindre le dernier terme et les établit solidement dans le Nirvâna qui est le bien suprême. De là, s’étant rendu dans l’épaisse forêt de l’est[5], il établit dans les vérités le roi de Magadha, Çreṇya Bimbisâra, en même temps que quatre-vingt mille dieux et plusieurs centaines de brahmanes et de maîtres de maison du Magadha.

Étant ensuite entré dans Râjagṛha et ayant accepté Veṇuvana, « le bois de bambous, » il initia et reçut solennellement Çâriputra et Maudgalyâyana accompagnés respectivement de leurs deux cent cinquante disciples.

  1. Il existe de cette stance plusieurs variantes : la pensée fondamentale est la même ; l’expression diffère beaucoup. Le mot que nous traduisons par « impeccabilité » désigne la suppression du mal moral, du péché, considéré en lui-même et dans les suites funestes qu’il entraîne nécessairement, le malheur et la souffrance. On a vu ci-dessus (p. 9) une des variantes de cette stance.
  2. C’est le mot dont l’équivalent tibétain est rendu en français par « bois de cotonniers ». (Voy. p. 10).
  3. Tib. Bzang-sde-i-ts’ôgs, « troupe fortunée. » (Voy. p. 10).
  4. Ral-pa-can (Voy. p. 10).
  5. Dans les livres pâlis elle est appelée « la forêt de Yaṣṭi » : la traduction tibétaine de ce nom se trouve ci-dessus, p. 10. Yaṣṭi, qui signifie « bâton », désigne aussi des plantes rampantes.