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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Les Mahâyânistes répondirent : C’est qu’aussi ceux qui ont l’œil divin ne l’aperçoivent pas. Là où il n’y a ni couleur, ni forme, ni ligure, comment pourrait-on voir ?

Les Tîrthikas reprirent : Eh quoi ? Il n’existe donc pas ? Les Mahâyânistes répondirent : Si l’on dit (à bon droit) : il n’existe pas, ce serait parler à faux que de dire : il existe. S’il n’existe pas, comment ces choses se manifestent-elles, savoir : rattachement, le rire, les pleurs, le jeu, la colère, l’orgueil, l’envie, la calomnie, etc. ? Comment ces phénomènes, se produisent-ils ? En conséquence, il ne serait pas convenable de dire : il n’existe pas. — À la question : existe-t-il ? on ne peut donc répondre pleinement ; il n’existe pas. Puisque ce serait fautif, on ne peut (avec assurance) opposer à (l’affirmation) : il est, (la négation) : il n’est pas.

Les Tîrthikas reprirent : Mais, sur ce point, chacun se fait des idées (à soi).

Les Mahâyânistes répondirent : Ces idées qu’on se fait ne correspondent pas à la réalité.

Les Tîrthikas reprirent : Eh quoi ? N’y a-t-il pas un vide tel que le ciel ?

Les Mahâyânistes répondirent : Compagnons, il en est ainsi, il y a un vide tel que le ciel.

Les Tîrthikas reprirent : Puisqu’il en est ainsi, comment l’affection, le rire, les pleurs, le jeu, la colère, l’orgueil, l’envie, la calomnie et toutes les autres passions, en un mot, se produisent-elles ?

Les Mahâyânistes répondirent : Elles sont semblables aux apparitions, aux rêves, aux visions.

Les Tîrthikas reprirent : Que sont les apparitions, les rêves, les visions ?

Les Mahâyânistes répondirent : Les apparitions sont de pures manifestations, les rêves sont purement des clartés ; comme ces choses sont insaisissables, elles sont le vide par leur propre nature. C’est le type de ce qui existe et n’existe pas. Les visions sont en plus grand nombre qu’il n’est nécessaire (?). Oui, compagnons, il en est ainsi : toutes les substances sont semblables à des apparitions, à des rêves, à des visions.

Autre chose encore ! Il faut apprendre (ces deux choses) : le vide^^1 et le

1 Le tibétain emploie ici un mot (Kung-rdzob) différent de celui qui a été employé précédemment et qui est en quelque sorte le terme officiel (Stong).