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FRAGMENTS TRADUITS DU KANDJOUR

La discussion est fortement empreinte de nihilisme ; cependant elle est peut-être plus sceptique encore que nihiliste. Elle n’est pas facile à entendre ni à rendre. Voici la traduction que je crois pouvoir en donner.

Mdo XIV, 2° (folios 8-11).

En langue de l’Inde : Arya-nairnlma-pariprccha nâma Mahâijânasûtra. — En langue de Bod : Ejjhags-pa hdag-med-pa dris-pa jes-bya-va theg-pa chen-poi mdo. — (En français :) Sublime sûtra de Grand Véhicule intitulé : Questions sur le non-moi.

Adoration à tous les Buddhas et Bôdhisattvas. — Ensuite ces Tirthikas, qui avaient la vue de l’imagination, raisonnaient et cherchaient avec soin, vinrent au Grand Véhicule. Après avoir salué, en prononçant les paroles (d’usage) et en réunissant les paumes des mains, ils firent des questions sur la non-existence du moi : Fils de famille, celui qui sait tout a enseigné que, dans le corps, il n’y a pas de moi. Mais s’il n’y a absolument pas de moi dans le corps, comment donc l’affection, le rire, les larmes, l’enjouement, la colère, l’orgueil, l’envie, la calomnie et d’autres phénomènes s’y produisaient- ils ? — Quoi donc ? Y a-t-il, en définitive, un moi dans le corps, ou n’y en a-t-il pas ? Il est juste que tu nous éclaircisses ces doutes^^1.

Les Mahâyânistes répondirent : Compagnons, vous demandez s’il y a véritablement un moi dans le corps ou s’il n’y en a pas. C’est une question sur laquelle il ne peut y avoir deux manières de dire. Car si l’on dit (avec raison) : il existe réellement, ce serait à parler à faux que de dire : il n’existe pas. Or, s’il existe, en effet, comment se fait-il que (dans) les cheveux, les ongles, la tête, les chairs, les os, les pieds, la graisse, les muscles, le foie, les illusions (des sens), l’œsophage, la main, le pied, les membres, les articulations, en un mot tous les appendices extérieurs et intérieurs du corps tout entier, si on les sonde un à un, (on trouve que) le moi n’apparaît nullement.

Les Tîrthikas reprirent : (oui) pour celui qui regarde avec l’œil divin ; mais, pour nous, qui avons l’œil de la chair, nous voyons le moi aussi clairement (que vous vous ne l’apercevez pas).

1 La question semble être bien faite à un individu qui pourrait être Nairâtma, mais la réponse est donnée par plusieurs.