le vide n’est pas distinct de la forme. Il en est de même de la perception, de la conscience, des Sanskâras, de la discrimination^^1. C’est ainsi, Çâriputra, que toutes les lois sont le vide par leur propre nature, n’ayant pas de signes distinctifs, n’étant sujettes ni à la naissance, ni à la production, ni à l’obstruction, ni il la souillure, ni à l’exemption de souillure, ni à la diminution, ni au parfait accomplissement.
Par conséquent, Çâriputra, dans le vide, il n’y a ni forme, ni perception, ni conscience, ni Sanskâras, ni discrimination ; — ni œil, ni oreilles, ni nez, ni langue, ni corps, ni esprit^^2 ; — ni forme^^3, ni son, ni odeur, ni saveur, ni toucher, ni loi ; — ni élément de l’œil, — ni élément de l’esprit^^4, ni élément de la discrimination de l’esprit. — D’où il suit qu’il n’y a ni ignorance, ni destruction de l’ignorance, — ni vieillesse et mort, ni destruction de la vieillesse et de la mort^^5 ; il n’y a ni douleur, ni origine, ni empêchement, ni voie ; — ni connaissance, ni obtention, ni non-obtention.
En conséquence, Çâriputra, puisqu’il n’y a [pour les Bôdhisattvas^^6] ni obtention, ni non-obtention, c’est en se réfugiant dans la Prajñâ-pâramitâ, et en s’y tenant que l’esprit n’ayant plus de support^^7, étant exempt de frayeur, supérieur à toute transgression, (le Bôdhisattva) obtient le Nirvana. C’est en se tenant ferme (sur ce terrain) que, [dans les trois périodes^^8], les parfaits et accomplis Buddhas réfugiés dans la Prajñâ-pâramitâ ont obtenu la Bôdhi parfaite et accomplie au-dessus de laquelle il n’y en a pas.
En conséquence, Çâriputra, il faut apprendre le mantra de la Prajñâ-pâramitâ, le mantra de la science, le mantra sans supérieur, le mantra égal et sans égal, le mantra qui calme toutes les douleurs, le mantra efficacement
1 C’est-à-dire qu’il faut répéter, pour chacun de ces termes, ce qui a été dit du premier : la forme. Nous avons déjà dit que cette forme, c’est le corps. Pour les mentions antérieures des cinq Skandhas, V. p. 124-6 et 145.
2 Les cinq premiers de ces six termes ne sont que les noms des portions du premier Skandha (« la forme » ) : le sixième doit, au contraire, représenter les quatre autres Skandhas.
3 Ici le mot « forme » désigne non plus, comme tout à l’heure le corps, l’organisme, mais les formes perçues par l’organisme, la vue. Il est pris dans l’acception où nous le prenons nous-mêmes.
4 Entre « élément de l’œil » et « élément de l’esprit », il faut rétablir par la pensée les termes cités plus haut, « oreille, etc. », en rapport avec le mot « élément ».
5 « L’ignorance » est le premier, « la vieillesse et la mort » le douzième terme du Nidâna : il faut ici encore rétablir les termes intermédiaires qui sont sous-entendus pour abréger.
6 Manque dans le sanskrit.
7 « D’obscurité, » selon une autre leçon. Il y a dans cette phrase plusieurs variantes qui en attestent à la fois l’importance et la difficulté. Nous ne pouvons entrer dans les discussions qu’elles soulèvent.
8 Il n’est pas question de ces trois périodes dans le texte sanskrit.