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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

gung, « midi » qui, après avoir vaincu le méchant Nâga Hu-lun-ta, introduira la doctrine dans le pays de Kâçmir. Eh bien ! je me pénétrerai à fond de l’esprit de la doctrine. — C’est ainsi qu’il pensa. L’âyushmat Madhyântika se rendit donc dans le pays Kâçmir et s’assit les jambes croisées ; puis Madhyântika fit cette réflexion : Pour triompher de ces Nâgas du pays Kâçmir, je mettrai ces Nâgas dans le trouble, et, par là, je les surmonterai. — Telles furent ses réflexions ; puis il resta ainsi, absorbé dans la contemplation (samâdhi), plongé dans le recueillement complet. Ainsi le pays de Kâçmir trembla de six manières. Pour lors, les Nâgas ti’oublés soufflèrent avec A’iolence, et, faisant tomber des pluies abondantes et impétueuses, commencèrent à maltraiter le Sthavira. Mais le Sthavira restait assis plongé dans la contemplation de Maitrèya (ou de l’amour, Maitrêya ou Maitrî samâdhi^^2), et les Nâgas ne furent pas capables d’agiter même le bord de son vêtement de religieux. Ensuite, ces Nâgas firent tomber une pluie de flèches ; mais le Sthavira les fit arriver eu fleurs éclatantes, eu lotus, en lotus bleus, en lotus rouges, en lotus blancs. Ces Nâgas se mirent alors à lancer sur lui des amas de pointes de rochers, de grandes flèches, des amas d’armes aiguës, des haches d’armes : le tout tomba près du Sthavira en pluie de fleurs. Alors ils dirent : « Cet (être semblable au) sommet d’une montagne couverte de neige, (et comme) brillant de l’éclat du soleil, en restant fermement assis, anéantit et rend invisibles, à mesure qu’elles arrivent, toutes ces pointes de rochers ; quand tombe une averse qui balaye tout, il la fait arriver en pluie de fleurs de toutes sortes ; s’il tombe du ciel une pluie de flèches, ce ne sont que guirlandes de fleurs qui couvrent le sol. »

Ensuite, comme il était assis dans un calme parfait, plongé dans la contemplation de Maitrèya, que le feu ne le brûlait pas, qui ni les armes ni le

1 Notre texte porte ts’ogs rnams, « des troupes. » Ce mot, évidemment opposé à roi (Indra des hommes), justifierait l’opinion de Csoma que Vaiçâlî était un Etat républicain. Cette ville, où dominaient les Lichavyi, paraît avoir eu une constitution aristocratique ou oligarchique. Cependant, dans le récit de la mort d’Ananda, Hiouen-Thsang parle du roi de Vaiçàlî, qui aurait pris les armes pour disputer au roi de Magadhi la personne d’Ananda. Afin d’empêcher une guerre entre les deux rois, Ananda, qui fuyait en bateau sur le Gange, disparut et entra dans le Nirvana. Le récit du voyageur chinois diffère notablement du récit tibétain.

2 En tibétain byams-pa ting-ge hdzin. Ting-ge hdzin est la Samâdhi ou contemplation. Byams-pa signifie compassion ou compatissant, et correspond à Maitri et à Maitrèya. Maitrî est l’amour universel ; Burnouf le traduit par charité : c’est l’amour étendu à tous les êtres. Maitrêya est le nom du Buddha qui doit apparaître quand sera achevée la période assignée à Çâkyamuni.