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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Il est du plus grand intérêt, pour celui qui étudie les religions du monde, de pouvoir observer le modus operandi de cette greffe successive et calculer ce qu’a gagné ou perdu le peuple chinois aux divers enseignements religieux qui lui ont ainsi été prodigués. Ce petit livre renferme un court aperçu d’un bien vaste sujet ; nous ne pouvons toucher qu’aux traits principaux, mais nous espérons cependant qu’aucun point important ne sera oublié.

Si M. le Professeur Max Müller réussit à rendre l’étude des religions aussi populaire qu’il l’a fait pour la philologie comparée, le champ de recherches qu’offre la Chine sera bientôt défriché par beaucoup de nouveaux explorateurs. Puisse ce livre, pendant quelques années encore, servir de manuel abrégé du sujet dont il traite.

Ceux qui prennent intérêt aux progrès de l’œuvre des missions chrétiennes trouveront ici les moyens de juger ce qu’elles ont fait en Chine.

On verra que le culte des ancêtres prend presque la place d’une religion, et qu’il faut par conséquent que les devoirs envers les parents soient ramenés aux doctrines chrétiennes. On apprend à adorer le Ciel et la Terre, il faudra substituer à ce culte l’adoration du Dieu suprême, éternel. Les devoirs d’homme à homme sont très parfaitement définis ; le missionnaire chrétien devra surbordonner tous les devoirs humains à l’amour de Dieu. La foi en la vie future, telle qu’elle est présentée à la croyance religieuse du vulgaire, ne peut être acceptée par l’homme intelligent parce que le bouddhisme n’a pas confiance en son propre enseignement sur ce point ; les Chinois trouveront dans le dogme chrétien de la vie future l’espérance positive au lieu du vague et de l’incertitude où ils s’agitent. Il en est de même de la rédemption telle que l’enseignent les bouddhistes. Il n’y a rien de solide dans cet enseignement ; il se résout en abstractions et en disputes sur les mots, son indéfinité contraste de la façon la plus frappante avec la rédemption chrétienne qui, trouvant l’homme écrasé sous le mal, lui tend la main puissante d’un libérateur divin et le rend à la fois vertueux et heureux.

Trente-cinq années se sont écoulées depuis que la Chine s’est ouverte aux étrangers. Les progrès des missionnaires furent d’abord très lents. Dans certaines villes bien des étés et des hivers se sont écoulés avant qu’on ait pu obtenir même une seule conversion. Au bout de quinze ans, les efforts des missionnaires étaient récompensés par un millier de conversions. Quinze