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méridionaux que Chaucer et les autres conteurs du moyen âge avaient introduits en Angleterre assez longtemps auparavant ?

Et Faust d’où vient-il ? Malgré sa puissante imagination, le poète de Weimar, comme un autre Jupiter, ne l’a pas fait sortir tout achevé de son cerveau. Le populaire d’outre Rhin connaissait avant lui ce type philosophique, si l’on veut, mais national avant tout, ou s’entremêlent si bien ces traits principaux du caractère allemand, l’immense envie de savoir et le sentiment de l’immense vanité de la science dépourvue d’idéal, le profond besoin d’aimer et la profonde et désespérante conviction que la possession tue l’amour ? Je pourrais multiplier les exemples de cette étrange fécondation de l’œuvre de l’artiste par son mariage avec la tradition populaire. Je n’ajouterai qu’un argument sous forme de question. Si, comme on l’a constaté et déploré tant de fois, notre littérature classique trouve si peu d’écho dans le peuple, ne faut-il pas l’attribuer à ce que nos poètes ont oublié ou dédaigné d’emprunter au peuple ce trésor des légendes nationales ou naturalisées qui partout ailleurs ont vivifié et popularisé les œuvres d’art ? Pour moi, la réponse à faire n’est pas douteuse.

Ces considérations nous ont écarté un peu de notre sujet. Revenons-y pour constater que les voyages accomplis par les contes de l’Inde de la façon qui a été dite et surtout à l’aide des paroles ailées, comme les appelle Homère, en modifièrent, ainsi qu’il est facile de l’imaginer, la forme native.

C’est surtout en retombant, par un juste retour des choses d’ici-bas, dans le domaine de l’imagination populaire d’où ils étaient sortis jadis que, tout en conservant certains traits originaux et assez marqués pour permettre qu’on reconnût leur origine, ils prirent la teinte du génie, des institutions, des croyances et des mœurs des différents milieux humains où le hasard les sema. Aussi ne fallut-il rien moins que la découverte de la littérature sanskrite, vers la fin du siècle dernier, pour qu’on put à la fois rattachera leur tronc tant de rameaux épars et retrouver la forme dont ils étaient revêtus avant de s’écarter par des voies si diverses et si lointaines de la souche maternelle. Les travaux originaux qui ont eu généralement pour point de départ le texte sanskrit du Pantcha-tantra et pour but principal, soit d’en faire connaître le contenu à l’Europe savante, soit d’en dresser l’arbre généalogique, avec ses racines dans l’Inde proto-brahmanique et la Grèce d’avant Alexandre, et sa