Page:Annales du Musée Guimet, tome 4.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce fut par des moyens littéraires que le Pantcha-tantra se répandit d’abord dans les pays musulmans, c’est-à-dire dans l’Asie Mineure, l’Arabie, le nord de l’Afrique, la Perse, l’Espagne, la Sicile, et de là dans les contrées adjacentes, La traduction pelhvie du sixième siècle, dont nous avons dit un mot déjà, servit de base, en effet, à une traduction arabe qui se répandit rapidement dans toutes les régions où dominait l’Islam. Par suite d’une déformation de certains mots sanskrits sur laquelle nous reviendrons plus tard, le livre prit chez les Arabes le titre de Kalilah et Dimnah et fut attribué à un sage de l’Inde qu’on appela Bidpaï ou Pilpaï. C’est sous ce nom d’auteur qu’il est resté célèbre dans la littérature mahométane et qu’il a été traduit dans le cours du moyen âge d’arabe en grec, en hébreu, en latin, en allemand, etc.

Mais ce fut surtout à partir du dixième siècle et par voie de transmission orale que les Arabes, conquérants d’une partie de l’Inde et désormais en relation constante avec elle, popularisèrent le plus largement les récits du Pantcha-tantra. Non seulement ces récits arrivèrent ainsi à meubler la mémoire des musulmans illettrés, mais ils pénétrèrent en passant de bouche en bouche, dans le bas Empire, l’Italie et l’Espagne d’abord, puis dans toute l’Europe. Par là surtout s’expliquent les traces qu’en en retrouve dans Boccace, dans nos fabliaux et généralement dans tous les recueils de contes d’origine populaire qui ont été rédigés en Europe depuis le moyen âge.


Si nous tournons maintenant nos regards vers une direction opposée, nous assisterons à une diffusion non moins vaste des fables hindoues. La Chine, le Tibet et la Mongolie les reçurent de l’Inde avec le bouddhisme. En ce qui concerne l’empire du Milieu, nous en trouvons la preuve dans un ouvrage intitulé les Avadânas, contes et apologues indiens, traduits du chinois parle célèbre sinologue français Stanislas Julien. Ces avadânas ne sont autre chose, en effet, que des contes bouddhiques importés de l’Inde en Chine et présentant d’indéniables traces de ressemblance avec une partie de ceux du Pantcha-tantra. De même, les littératures du Tibet et du Mongol possèdent des ouvrages analogues, qui sont des traductions, plus ou moins altérées sous l’influence de circonstances particulières, du célèbre recueil des fables de l’Inde. De ce côté encore, du reste, la transmission orale leur a servi de véhi-