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en scène sont presque toujours des animaux, ont une origine occidentale et se rattachent évidemment, par voie de filiation directe ou indirecte, aux apologues ésopiques. Or, selon toute vraisemblance, ces apologues n’ont pu passer de la Grèce dans l’Inde qu’à une époque où les relations sont devenues relativement fréquentes et faciles entre les deux contrées par le moyen des dynasties d’origine hellénique qui prirent naissance à la suite des conquêtes d’Alexandre et dont celle qui s’établit eu Bactriane, par exemple, confinait aux pays de lois et de langue brahmaniques. L’époque où les circonstances ont été appropriées à des transmissions de cette nature ne peut guère être portée avant le deuxième siècle précédant l’ère chrétienne, et c’est la limite supérieure en deçà de laquelle nous sommes amenés ainsi à placer la composition, c’est-à-dire la réunion en une sorte de corpus, des récits de différentes sortes et de différentes provenances qui constituent le Pantcha-tantra.

Quant à la limite inférieure correspondante, nous pouvons l’établir d’une façon plus sûre et plus précise en nous basant sur la date de la première traduction connue de notre recueil qui fut faite en pelhvi, l’ancienne langue de la Perse, durant le sixième siècle après J.-C.

La marge est grande, vous le voyez, et l’espace entre lequel peut se mouvoir la date de la publication de notre livre n’embrasse pas moins de huit siècles. Mais en matière de chronologie littéraire, il ne faut pas se montrer trop difficile quand il s’agit de l’Inde ancienne : heureux quand on peut, comme ici, arriver à une approximation quelconque qui ne soit pas une pure conjecture.

Avant de passer à l’extension qu’a prise le Pantcha-tantra hors des frontières de l’Inde et au chemin qu’il a fait ensuite dans le monde, disons quelques mots de l’idée qui paraît avoir présidé à sa rédaction. On a de solides raisons de croire qu’il portait à l’origine non pas le titre de Pantcha-tantra (les Cinq livres), qui n’a pu lui être donné que lors d’une refonte postérieure à la traduction pelhvie, au temps de laquelle l’ouvrage embrassait encore douze ou treize livres, mais bien celui de Nitiçâstra dans lequel M. Benfey voit avec beaucoup d’à-propos et de justesse l’analogue de Miroir des Princes. Nitiçâstra signifie, en effet, traité de politique, ou préceptes sur la politique, ou, plus précisément encore, règles de conduite (à l’usage des rois). Bien entendu, la politique dont il s’agit ici n’est pas précisément celle qu’implique