Page:Annales du Musée Guimet, tome 4.djvu/30

Cette page n’a pas encore été corrigée
16
annales du musée guimet

VI

Aucun peuple n’a embelli ou du moins paré la mort comme les Égyptiens, et par suite on se sent presque toujours tenté, en présence d’un sarcophage, de voir à nu la momie qui est dedans.

C’est un désir qu’il faut perdre. Les têtes de la reine Nedjem-t et du roi Pinedjem II, ainsi que le corps tout entier de Thotmès III, déroulés par M. E. Brugsch en présence de l’école française, sont maintenant visibles, et montrent que la mort est toujours la mort, quoi qu’on fasse. Le vieux conquérant surtout, cassé en trois morceaux noirâtres, apparaît dans ses langes, comme un cadavre défiguré par quelque horrible maladie.

Mariette a beau dire : il n’y a pas de belles momies, ou, en d’autres termes, plus une momie est belle dans son genre, plus elle est laide en réalité. Le mauvais embaumement ne donne qu’un bloc informe, tandis que l’embaumement parfait accentue des détails repoussants. Le nez ouvre deux trous sans fond, la bouche tire la langue de travers, les yeux sont crevés, les mains noires semblent des pattes, et l’ensemble a une apparence misérable, diminuée, desséchée, qui n’est ni d’un corps ni d’un squelette, mais qui représente quelque chose de hideusement intermédiaire, un corps ou un squelette contre nature, et, si l’on veut, une variété de l’un et de l’autre : le corps sans la chair et le squelette avec la peau ; ce qu’il y a de touchant dans la lutte inutile tentée contre la mort en Égypte ne saurait pallier l’horreur définitive du résultat.

La science, qui dissèque les cadavres, ouvrira les momies : c’est son droit