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LA RELIGION EN CHINE

cette base que repose son culte. Le respect religieux des ancêtres — c’est le culte de ce système — est basé sur le devoir de piété filiale. Le sens moral des Chinois se révolte si on les engage à négliger cette coutume.

Le taouisme est matérialiste. La notion qu’il donne de l’âme, une forme épurée de la matière, est en quelque sorte physique. Il suppose que l’âme gagne l’immortalité par une discipline, sorte de procédé chimique qui la transforme en une essence plus éthérée et la prépare à passer dans les régions de l’immortalité. Les dieux du taouisme sont ce que l’on peut attendre d’un système qui a de telles notions sur l’âme. Il déifie les astres ; il déifie les ermites et les médecins, les magiciens et les alchimistes qui cherchent la pierre philosophale et la plante de l’immortalité.

Le bouddhisme ne ressemble à aucune des deux autres religions. Il est métaphysique ; il parle à l’imagination et se plaît aux thèses subtiles. Il dit que le monde des sens est en même temps imaginaire et soutient cette proposition par les démonstrations les plus savantes. Ses dieux sont des idées personnifiées ; il nie absolument la matière et ne s’occupe que des idées. La plupart des personnages adorés par les bouddhistes ne sont que des personnifications fictives de quelques-unes de ces idées. Le culte bouddhique n’est pas une adoration rendue à des êtres que l’on croit exister ; c’est un hommage rendu à des idées et que l’on croit seulement réfléchi en ses effets. Il est utile en tant que discipline et inefficace en tant que prière. Le bouddhiste n’a nul besoin de prière ou de culte s’il peut arriver par quelque autre moyen à détacher son esprit du monde.

Ces trois systèmes, occupant les trois sommets d’un triangle — les systèmes moral, métaphysique et matérialiste, — sont complémentaires l’un de l’autre et peuvent coexister sans se détruire réciproquement. Chacun d’eux a sa base propre et s’adresse à des parties différentes de la nature humaine. Le confucianisme « connaissait Dieu mais ne l’adorait pas comme Dieu ; c’est pourquoi la place restait libre pour le polythéisme bouddhique. Dans les vieux livres chinois, on parle de Dieu comme Souverain Suprême. Il est représenté exerçant sur l’humanité une providence infiniment juste et bienfaisante ; mais il n’est pas ordonné de le prier, il n’est pas permis au peuple d’adorer. L’empereur seul, agissant comme pontife pour le peuple, devait adorer Dieu. Par