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ANNALES DU MUSÉE GUIMET
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pas d’opinion bien positive sur la création, il établit la providence de Dieu de façon à montrer que les Chinois primitifs avaient des notions de l’Être divin bien plus avancées que celles de la plupart des peuples païens. Les auteurs chinois modernes, quand ils discutent si le Dieu des classiques est un être personnel ou un principe, posent ces arguments : « Un principe est-il susceptible de colère ? Peut— on dire qu’un principe approuve les actions des hommes, et se plaît à leurs offrandes ? Et pourtant ces actes sont attribués à Dieu dans les livres classiques. Donc Dieu ne peut être un principe ; il doit être personnel. »

Cette nouvelle appréciation des interprétations de l’école de Choo-foo-tsze est arrivée bien à propos, car cette école avait exercé une telle influence que presque tous les savants indigènes pouvaient ajuste titre être qualifiés athées ou panthéistes. Un Chinois modérément érudit, qui ne s’est pas pénétré de l’esprit de cette école nouvelle, répondra aux missionnaires de notre religion plus pure : « Nous aussi nous adorons Dieu. Il est’présent dans toute la nature. Le monde est Dieu. Quand nous faisons de la science, céleste ou terrestre, nous adorons Dieu. » Ces hommes, qui identifient la nature à Dieu, n’ont pas de peine à concilier les idées chrétiennes sur la divinité avec les abstractions froides et tristes d’une philosophie comme celle de Choo-foo-tsze.

On n’a pas donné une attention suffisante au changement remarquable qui s’est opéré dans la littérature chinoise, depuis deux siècles, au sujet de la religion et de la philosophie. Les auteurs qui ont écrit sur la Chine se sont trop attachés à l’ancien système qui a fait son temps et cède la place maintenant à des opinions plus rationnelles, au moins parmi la classe la plus instruite des lettrés chinois. En même temps, il faut reconnaître que les idées répudiées par eux tiennent encore dans la masse de ceux qu’on appelle Confucianistes, car, dans ce pays, ce n’est qu’après une longue période que les opinions d’une école nouvelle peuvent être universellement connues. La vis inertise des institutions chinoises rend tout changement difficile. Avec le temps les examinateurs du gouvernement adopteront probablement un non veau système et on renoncera ouvertement aux principes que combattent les auteurs influents de l’époque actuelle. La foule attendra jusque là avant de prendre la peine de s’informer des opinions personnelles de ses meilleurs auteurs et penseurs, et bien plus longtemps encore avant de les adopter.