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ORIGINES DU ZOROASTRISME. — IV. ÉLÉMENTS ÉTRANGERS


Tansar, l’homme qui a joué un si grand rôle dans la restauration de l’Avesta, nous est présenté expressément comme un membre de la secte platonicienne 1[1]. Je n’en veux conclure ni que c’est Tansar qui a introduit dans le Zoroastrisme l’idée de la création idéale, ni que cette doctrine est entrée sous Shâbpûhr Ier, mais seulement que les doctrines platoniciennes avaient trouvé leur chemin jusqu’en Perse dès les premiers siècles de l’ère chrétienne.

Par Platonisme nous devons naturellement entendre Néo-Platonisme, c’est-à-dire cet ensemble philosophique où domine l’esprit de Platon, qui a inspiré toute la spéculation des siècles qui précèdent et suivent le christianisme, et qui trouve son expression la plus parfaite dans Philon d’Alexandrie. C’est dans Philon que se trouve, à ma connaissance, le parallèle le plus proche de la doctrine avestéenne de la première création spirituelle : Dieu comprend qu’une belle imitation ne peut se faire sans un beau modèle, et qu’un objet sensible veut un archétype idéal ; aussi, « quand il a voulu créer ce monde visible, il a d’abord dessiné le monde intelligible » (Βουληθείζ τόν όρατόν τουτονί κόσμον δημιουργήσαι, προεξετύπου τόν νοητόν) 2[2]. Nous avons ici aussi claire que dans l’Avesta la distinction fondamentale de la mainyava sti et de la gaethya sti et la théorie de l’antériorité de l’une sur l’autre.

Le Zoroastrisme avestéen met immédiatement au-dessous d’Ahura un Génie nommé Vohû Manô, la « Bonne Pensée », qui est sa première création spirituelle et qui est le principe moteur du monde d’Ahura 3[3]. C’est lui, disent les Gâthas, qui est le premier créé des êtres 4[4] ; c’est par lui aussi qu’au commencement Ahura a créé le monde et la religion et les êtres vivants 5[5] ; c’est lui qu’Ahura consulte avant de procéder à aucun de ses actes 6[6]. Vohu Manô n’est pas seulement la première création et le

  1. 1. Voir plus haut, p. xxvi.
  2. 2. De opificio mundi apud Schürer, Geschichte des Jüdischen Volkes, II, 875, note 134.
  3. 3. nazdist Vahùman frâj brahinit manash ravâkîh-î dâm-î Auhrmazd ajash yahvûnt (Bund. I, 23).
  4. 4. Yasna XXVIII, 3 a, note 9 (manascâ vohû paourvim).
  5. 5. Yasna XXXI, 11 b.
  6. 6. Yasna XLVII, 3 et note 11. — De tous tes Izeds c’est le plus rapproché du Créateur (vol. II, 307).