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ANNALES DU MUSÉE GUIMET


n’est donc pas la preuve d’une ancienne révolution religieuse qui a séparé l’Iran de l’Inde dans une époque préhistorique, mais simplement le signe d’une antipathie entre deux religions voisines dans une époque historique. L’époque où cet emprunt de démons s’est fait n’est point facile à déterminer du côté de l’Inde, les dieux indiens étant mal datés. Indra et Nâsatya sont des dieux védiques qui ont subsisté dans le Brahmanisme ; Çarva ne paraît que dans l’Atharva et les Brâhmanas, ce qui laisse supposer que l’emprunt n’appartient pas aux périodes anciennes, sans permettre toutefois de préciser la date. Mais évidemment l’emprunt n’a pu se faire avant que la doctrine des Amshaspands fût créée : et nous verrons plus loin (section IV de ce chapitre) les raisons de croire que celte doctrine est très postérieure à l’époque d’Alexandre.

L’opposition du Deva sanscrit au Daêva zend perd par là toute signification révolutionnaire. Dieu se dit en zend yazata, qui est le védique yajata, « l’être adorable ». Deva, ayant disparu de la langue religieuse du Mazdéisme, n’était plus pour les Zoroastriens que le nom des dieux brahmaniques, de faux dieux. Les Daêvas ne sont pas de vieux dieux nationaux qui ont eu des malheurs, ce sont les faux dieux du voisin. Les textes opposent le Daêvayasna au Mazdayasna, l’adorateur de Daêvas à l’adorateur de Mazda : c’est l’opposition de l’An-êr^^1, le non Iranien, l’étranger, à l’Iranien.

II


Le Buddhisme, à l’inverse du Brahmanisme, n’est pas sans chronologie, et les emprunts ou les allusions buddhiques, s’il y en a, datent par là les textes où ils paraissent.

Le démon Bûiti (Bûiti daêvô) qui, sur l’ordre d’Ahriman, se précipite sur Zoroastre naissant pour le faire périr, est défini par le Bundahish^^2 « le

1. C’est ainsi que le Nirnngistân rend daêvayasna (§§ 10, 16).

2. Bundahish, XXVIII, 34 : cf. Vd. XIX, 1, note 4.