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ORIGINES DU ZOROASTRISME. — IV. ÉLÉMENTS ÉTRANGERS


notre ère. Il est probable, mais non certain, que le culte de Haoma et les mythes indo-iraniens de Vama-Vima et de Traitana-Thraêtaona y étaient déjà établis à cette heure : car les différences caractéristiques qui existent entre Varna et Yima, entre Trita-Traitana et Thraêtaona s’expliquent difficilement dans l’hypothèse que Yima et Thraôtaona seraient des emprunts récents. Il en est tout autrement des trois démons Indra (ou Andra), Saurva, Kâonhaithya. Ce sont, on le sait, les adversaires opposés par Ahriman à trois des Amshaspands, Asha Vahishta, le Génie de la Sainteté Parfaite ; Khshathra Vairya, le Génie du Bon Gouvernement ; Spenta Armaiti, le Génie de la Piété soumise^^1. Ces trois démons ne jouent qu’un rôle très effacé dans l’Avesta ; ce ne sont que des noms propres vides de sens ; leurs fonctions sont déterminées — par renversement — par celles des Amshaspands auxquels on les oppose : l’un détourne de la vertu, luulre pousse à la tyrannie, le troisième au mécontentement^2. Rien dans tout cela qui rappelle Indra, le Génie victorieux de l’orage, Çarva, le doublet du Rudra et de Çiva, et Nâsatya, l’Açvin : ce sont des noms morts : et ils sont si morts que certains textes remplacent Nilonhaithya par Tarômaiti, l’Orgueil, qui est l’opposé clair et intelligible d’Armaiti^^3. Par là l’on est conduit assez naturellement à penser que ces trois démons n’appartiennent pas au vieux fonds national, que leur présence des deux côtés de l’Indus n’est pas un héritage de la période que nous sommes convenus d’appeler indo-iranienne ; mais que le jour où les organisateurs du Mazdéisme avestéen, poursuivant l’ordonnance symétrique qui leur est si chère, eurent besoin de trois démons à opposer à trois de leurs Amshaspands, ils puisèrent délibérément dans le panthéon voisin de l’Inde : ils prirent trois noms de dieux étrangers, trois noms de faux dieux pour en faire des démons. La présence des noms d’Indra, Saurva, Nâoûhaithya^^4 dans l’Avesta

1. Cf. vol. I, 24.

2. Bundahish, XXVIII, 8-10.

3. Vol. I, 24.

4. On peut objecter que si Nâsatya est un emprunt récent, le s serait resté en zend. Le h du mot emprunté prouve seulement que la prononciation iranienne ne pouvait pas rendre le s sanscrit, que s sanscrit même à l’intérieur du mot, avait pour un Iranien le son du visarga.