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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

capital, que le zend n’est pas un dérivé du sanscrit. Car le système des sons zends se place près du système persan, non du système sanscrit ; et quant aux formes grammaticales, si elles se rapprochent souvent du sanscrit, elles se rapprochent aussi souvent du grec ou du latin et parfois ont un caractère tout à fait spécial et indépendant qui en fait une langue à part. Il n’est pas une de ces observations qui n’ait été absolument confirmée par la science[1].

Cependant en Allemagne Meiners n’avait pas fait d’élèves. La cause d’Anquetil était gagnée : les théologiens invoquaient sa traduction dans leurs polémiques[2], et Rhode retraçait d’après l’Avesta « la tradition sainte du peuple zend »[3] Le livre de Pierre de Bohlen, en 1831, marque un pas en arrière[4]. Pour Bohlen, comme pour Jones, Leyden, Erskine, le zend est un dérivé du sanscrit, au même titre que le pâli et le pracrit. Sa méthode et son erreur consistent à prendre les mots zends sous la forme souvent incorrecte qu’ils ont dans les lectures d’Anquetil et il n’a pas de peine à montrer alors que le mot zend est moins bien conservé que le sanscrit correspondant. D’autre part, il prend les noms propres sous leur forme parsie, au lieu de les prendre sous la forme zende originale, ce qui le conduit à des rapprochements ingénieusement ridicules. Ainsi Ahriman devient un sanscrit ariman qui signifierait « l’ennemi» : Bohlen aurait pu voir dans Anquetil même que Ahriman n’est que la forme moderne de Enghri meniosch ou mieux Añgrô Mainyush. L’Amshaspand de la Bonne Pensée, Vohu Manô, devenait, grâce à la forme moderne dérivée Bahman, un doublet de Krishna, étant le sanscrit bâhuman « le dieu aux longs bras ». Par des procédés analogues Vullers[5] établissait l’identité de
  1. Remarks on the Zend language and the Zend-Avesta (Transactions of the Bombay Branch of the Royal Asiatic Society, III, 524). – Ueber dans Alter und die Echtheit der Zend-Sprache und der Zend Avesta, tr. du danois par F. H. von der Hagen, Berlin, 1826.
  2. Erläuterungen zum Neuen Testament aus einer neueröffneten morgenländischen Quelle, Ἰδοὺ μάγα ἀπὸ ἀνατολῶν, Riga, 1775.
  3. Die heilige Sage und das gesammte Religionsystem der alten Bactrer, Meder und Perser, oder des Zend Volks, Francfort, 1820.
  4. Commentario de origine linguae zendicae e sanscrita repetendae (Koenigsberg, in-8o, 1831), analysé et réfuté par Burnouf, dans le Journal des savants, 1831, pp. 457 sq.
  5. Dans ses Fragmente über die Religion der Zoroaster, Bonn, 1831.