Page:Annales du Musée Guimet, tome 21.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
ZEND-AVESTA  : YASNA. — HÔM-YAST


contre le faucon divin qui a enlevé Soma pour l’apporter aux hommes (Rig Véda, IV, 27, 3). Le rapprochement est frappant et peut-être exact ; peut-être y a-t-il eu un temps où les Iraniens connaissaient un Keresâni mythique, qui retient Haoma dans le ciel et l’envoie aux hommes. Mais une chose certaine, c’est que ce nom de Keresâni, quelle qu’ait été sa valeur ancienne, est appliqué par l’auteur de ces lignes à un personnage purement humain, qui doit trouver sa place dans le cadre de l’histoire de la Perse, telle qu’il se la représentait, soit authentique, soit légendaire. Nous devons donc nous demander quelle est, dans les idées parsies, la domination usurpatrice qui a pu un instant étouffer le Zoroastrisme et qui, si elle avait duré, l’aurait anéanti ? J’avais émis jadis 3[1] l’hypothèse que Keresâni représenterait peut-être le grand ennemi des Mages, l’auteur de la Magophonie, Darius, fils d’Hystaspe. Mais quelque liberté que la tradition prenne avec l’histoire, elle ne pouvait aller jusqu’à faire de Darius un maître passager renversé par le Magisme. La grande usurpation, la seule qui ait failli détruire le Zoroastrisme, celle à laquelle la tradition parsie, aussi haut qu’on peut la suivre, c’est-à-dire dès l’époque sassanide, attribue la décadence de la religion et la perte de la plus grande partie des livres sacrés, c’est celle d’Alexandre le Rûmî, qui, dit-elle, brûla l’exemplaire complet de l’Avesta contenu dans la bibliothèque royale de Persépolis, et massacra les Dastûrs, les Juges, les Herbads, les Prêtres et les Sages de l’Iran, avant d’être enfin précipité dans l’enfer 4[2]. Nous entendrons donc la phrase citée plus haut : « Haoma a renversé Alexandre, prescripteur de la religion de Zoroastre. »

  1. 3. Dans l’introduction à mon Vendidad anglais, 1880, p. lii, note.
  2. 4. Ardâ Virâf, 1. — Cf. le Grand Bundahish, p. 249 : « Plus tard sous le règne de Dârâ, fils de Dàrâ, le Kaisar Alaksandar fondit d’Arûm, envahit l’iranshehr, tua le roi Dârâ, détruisit toute la race royale, les Mages et les grands d’Iranshehr. Il éteignit nombre de feux sacrés, enleva le Zend de la Religion mazdéenne et l’emporta en Arûm, brûla l’Avesta même et divisa l’iransbehr entre quatre-vingt-dix petits princes. » — Ces textes sont post-sassanides ; mais le Minokhard, qui est de l’époque sassanide, suppose ces traditions. Il cite comme les trois pires tyrans qui aient été, et comme les plus aimés d’Ahriman qui aurait voulu les rendre immortels, Zohâk, Afrâsyâb et Alexandre (VIII, 29 ; cf. Bahman Yasht, III, 34). Zohâk et Afrâsyâb sont antérieurs à Zoroastre et n’ont pu proscrire les prêtres du feu : Alexandre seul a pu le faire. — Cf. la Légende d’Alexandre chez les Parses dans nos Essais orientaux.

t. i. 11