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ANNALES DU MUSÉE GUIMET


Ce Sûtra nous paraît sans doute bien différent de l’enseignement primitif du Buddha. Et il l’est en effet. Néanmoins c’est le Sûtra le plus populaire et le plus répandu au Japon et on peut dire que toute la religion de la grande masse du peuple repose sur lui. « Répétez le nom d’Amitâbha aussi souvent que possible, particulièrement à l’heure de la mort, et vous irez tout droit à Sukhavatî où vous serez éternellement heureux », voilà ce que l’on demande aux buddhistes japonais de croire, ce qu’on leur dit être la doctrine du Buddha. Il y a même dans notre Sûtra un passage qui semble dirigé positivement contre l’enseignement primitif du Buddha. Il enseignait que l’homme moissonne ce qu’il a semé et que les bonnes actions accomplies sur la terre ouvrent l’accès à une science plus élevée, à un bonheur supérieur. Notre Sûtra prétend que non ; ce n’est pas par les bonnes actions accomplies sur la terre, c’est par la simple répétition du nom d’Amitâbha que l’on obtient d’entrer dans le pays du bonheur. Cette doctrine n’est pas meilleure que celle du brahmanisme moderne, c’est-à-dire, « répétez le nom de Hari ou de Krishna, et vous serez sauvé. « Elle n’est pas meilleure que celle que l’on attribue même à certains docteurs chrétiens. Il se peut que dans un état inférieur de civilisation un enseignement, même de ce genre, ait produit quelque bien[1]. Nous apprenons à quoi peut mener un culte de ce genre par la description que nous donne le docteur Edkins de ce qu’il a vu au monastère de Kwoh-tsing-sze : « On nous fit voir ensuite la prison, dans laquelle une douzaine de prêtres

  1. Voir II. Sede, Marco Polo, 2e édition. V. I, pp. 411-413.