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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

boire sans courber le cou (Kâkair anatakandharaih pîyate ; pûrnodakatvena prasasye kâkaih peye nadyâdau). Dans le passage de notre texte Kâkapeya doit être un terme de louange, et nous devons donc le traduire « étangs si pleins d’eau que les corneilles peuvent y boire ». Mais pourquoi un mot aussi bien connu que Kâkapeya serait-il orthographié Kâkâpeya, si ce n’était avec intention ? Et cette intention, quelle est-elle ? Nous devons nous souvenir que Pânini II, 1, 42, nous apprend la formation du mot tîrthakâka, une corneille à un tîrtha, qui signifie une personne qui n’est pas à sa place. Il semblerait donc que les corneilles étaient considérées comme déplacées à un tîrtha, ou lieu pour se baigner, soit parce que ce sont des oiseaux de mauvais présage, soit parce qu’elles souillent l’eau.

D’après ce point de vue Kâkapeya signifierait un étang que les corneilles ne visitent pas, exempt de corneilles.

M. le professeur Pirchel remarque que la même expression se trouve en pali, p. c. Mahâparinibbânasutta (Journal de la Société Royale Asiatique, 1875, p. 64, l. 21), Kâkapeyâ samatitthikâ, et M. Rhys Davids m’informe que Buddhaghosa explique Kâkapeya par tîre thitena kâkena sakkâ pâtum.

16 Divâ vihârâya, repos de l’après-midi, sieste. Voir Childers s. v. vihâra.

17 Krunkâh. Bécasse, courlis. Est-il pris dans le sens de Kuravîka ou Karavika, d’après Kern, le sanscrit Kârâyikâ, un oiseau doué d’une belle voix ? ou de Kalaviuka, en pali Kalavîka ? Voir Burnouf, Lotus, p. 566. Je retrouve cependant ailleurs les mêmes oiseaux cités ensemble, soit hamsakraunkamayûnasukasâlikakokila, etc. Au sujet de mayûra, voir Mahâv. Introd., p. 39 ; Rig Véda, I, 191, 14.

18 Indriyabalabodhyangasabda. Ce sont des expressions techniques, mais leur sens n’est pas complètement clair. Spence Hardy dans son Manual, p. 498, énumère les cinq indrayas, soit ; 1, sardhâwa, pureté (probablement sraddhâ, foi) ; — 2, wiraya, effort persévérant (virya) ; — 3, sati, ou smirti, certitude de vérité (smriti) ; — 4, samâdhi, tranquillité ; — 5, pragnâwa, sagesse (pragnâ).

Les cinq balayas (bala) sont, ajoute-t-il, les mêmes que les cinq indrayas.

Les sept bowdyânga (bodhyanga) sont, d’après lui : 1, sihi ou smriti, la certitude de la vérité par l’application mentale ; — 2, dharmmawicha, la recherche des causes ; — 3, wiraya, effort, persévérant ; — 4, prîti, joie ; — 5. passadhi, ou prasrabdhi, tranquillité ; — 6. samâdhi, tranquillité à un degré plus élevé comprenant l’exemption de tout ce qui trouble le corps ou l’âme ; — 7, upekshâ, sérénité.

On voit par là que quelques-unes de ces qualités excellentes se trouvent à la fois dans les indriyas et les bodayangas, et que les balas sont absolument identiques aux indriyas.

Cependant Burnouf donne, dans son Lotus, une liste des cinq balas (d’après le vocabulaire pentaglotte) qui correspond aux cinq indriyas de Spence Hardy, soit : sraddhâ-bala, pouvoir de foi ; vîrya-bala, pouvoir de force, smriti-bala, pouvoir de mémoire, samâdhi-bala, pouvoir de méditation, pragnâ-bala, pouvoir de science. Elles précèdent les sept bodhyangas dans le Lotus, dans le vocabulaire pentaglotte et le Lalita-Vistara.

Burnouf a consacré à ces sept bodhyangas un traité spécial, appendice xii, p. 796. On les trouve en pali et en sanscrit.

19 Niraya, les enfers, appelés aussi Naraka. Yamaloka, le royaume de Yama, le juge des morts, est décrit comme les quatre Apâyas, soit Naraka, enfer, Tiryagyoni, naissance dans le corps des animaux, Pretaloka, royaume des morts, Asuraloka, royaume des démons. Les trois termes employés ici ensemble se présentent également dans un passage traduit par Burnouf, Introduction, p. 544.

20 Iti sankhyâm gakkhanti, ils sont appelés. Childers s. v. sankhyâ. Asankhyeya plutôt encore que aprameya est le terme consacré pour infinité. Burnouf, Lotus, p. 852.

21 Avaramâtraka. C’est le oramattako pali « appartenant seulement à la vie actuelle », et l’auteur semble vouloir inculquer la doctrine du Mahâyâna, que le salut peut être obtenu par de simples répétitions du nom d’Amitâbha, en contradiction formelle avec la doctrine originale du Buddha que l’homme récolte ce qu’il a semé, Buddha aurait enseigné que le Kusalamûla, la racine ou le faisceau des bonnes actions accomplies dans ce monde (Avaramâtraka), portera ses fruits dans l’autre monde, tandis qu’ici de « vaines répétitions » paraissent être seules ordonnées. Les traducteurs chinois comprenaient autrement ce passage, et je ne suis pas absolument sûr de l’avoir bien compris. Mais de la fin de cette partie, où nous lisons Kulaputrena va Kuladuhitrâ vâ tatra buddhakshetre kittaprânidhânam kartavyam, il paraît évident que le locatif (Buddhakshetre) forme l’objet du pranidhâna, prière fervente ou aspiration. Les Satpurusha déjà dans le Buddhakshetra seraient les hommes en nombre innombrable (Manushyas) et les Bodhisattvas déjà cités.

22 Arthavasa, littéralement, le pouvoir de la chose ; Dhammapada, p. 388, vers 289.

23 Je ne suis pas complètement sûr du sens de ce passage, mais si nous entrons dans la métaphore