Page:Annales du Musée Guimet, tome 2.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
ANNALES DU MUSEE GUIMET

Ainsi sur 585 pages que compte ce volume, les mémoires de Csoma en prennent 279, c’est-à-dire un peu moins de la moitié. Mais ces mémoires sont plus importants encore par le sujet traité que par la place occupée. En faisant connaître la vaste littérature sacrée du Tibet, Csoma jetait la lumière sur toute une partie de l’histoire de l’esprit humain encore ignorée, et qui excitait une curiosité d’autant plus vive. Non seulement il révélait ainsi un monde pour ainsi dire inconnu, mais encore il apportait un secours précieux à d’autres études dont les littératures indienne, indo-chinoise et chinoise étaient déjà ou allaient devenir l’objet. Les livres sanscrits bouddhiques dont M. Hodgson venait de retrouver au Népal d’importants fragments n’étaient que les débris d’une littérature presque perdue dont le canon sacré du Tibet était un équivalent demeuré intact ; les livres bouddhiques de la Chine, ceux de Ceylan, de Birmanie et de Siam, dont on commençait à aborder l’étude, avaient avec le même canon une parenté plus ou moins étroite, mais bien constatée : l’étude simultanée de tous ces recueils de langues diverses, d’arrangement notablement différent, mais semblables par leurs traits généraux, et provenant d’une source unique, devait gagner en force et en étendue par l’appui mutuel que ces travaux variés pourraient se prêter. Si l’on avait fait pour les livres de Ceylan, du Népal, de la Chine, ce que fit Csoma pour ceux du Tibet, l’étude du bouddhisme considéré dans son ensemble aurait fait d’étonnants progrès. Mais le travail du voyageur hongrois de Transylvanie est unique. On a bien étudié quelques livres, des fragments des autres littératures bouddhiques ; la littérature tibétaine est la seule dont nous ayons un tableau d’ensemble, un résumé complet, nécessairement un peu inégal, plus bref dans certaines parties, plus développé dans d’autres, mais nous donnant, après tout, une image exacte et fidèle. Csoma n’a pas seulement établi des jalons pour ceux qui voudraient étudier le bouddhisme tibétain, il a fourni une masse abondante di- renseignements de toute nature, ouvert un vaste répertoire, donné un fil conducteur à tous les savants qui devaient après lui s’occuper du bouddhisme, même à eux qui choisiraient la branche la plus divergente de celle qu’il avait adoptée lui-même. Quant à celle-ci et à celles qui s’en rapprochent le plus, il les a ou fondées ou puissamment fortifiées. Tous les tibétanistes, Schmidt, Schiefner, Foucaux, n’ont fait qu’entrer dans la voie qu’il leur avait tracée. Et Burnouf qui a créé avec un savoir si éten-