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dit : Pourquoi, ô roi, concevoir un si grand chagrin ? Je donnerai assez d’or pour que le roi puisse encore mener ses affaires au gré de ses désirs ; et il fit pour le roi un monceau d’or tel qu’un homme assis ne pouvait apercevoir un homme debout, ni un homme debout apercevoir un homme assis.

Alors le roi de Koçala, Prasenajit, envoya dos espions dans toutes les parties de ses Etats, après leur avoir dit : « Écoutez les discours que l’on tiendra. » Or, ils recueillirent cette conversation de deux lutteurs (on vieillards)[1] de Jêtavana, qui disaient entre eux : « Il y a un ordre de bataille appelé Kesarî[2], d’après lequel les guerriers les plus faibles sont placés au front de bataille, les moyens au milieu, les héros et les forts en arrière » puis la rapportèrent au roi.

À l’ouïe de ce discours, le roi de Koçala, Prasenajit, ayant rassemblé une armée composée de quatre corps, un corps d’éléphants, etc., s’avança contre le roi Ajâtaçatru pour le combattre.

Alors le roi de Koçala, Prasenajit enleva le corps d’armée d’Ajâtaçatru fils de Vaidèliî, tout entier, lui enleva son corps de cavaliers, son corps de chars, son corps de fantassins. Le roi Ajàtaçatru, fils de Vaidèhî, vaincu, épouvanté, défait, réduit à tourner le dos, tomba vivant entre les mains (du vainqueur, qui) l’ayant fait monter sur un seul char, se rendit (avec lui) au lieu où était Bhagavat ; quand il y fut arrivé, il adora avec sa tête les pieds de Bhagavat, puis s’assit à quelque distance.

Assis à quelque distance, le roi de Koçala, Prasenajit, adressa ces paroles à Bhagavat : « Voici, vénérable, le roi Ajàtaçatru qui me hait depuis longtemps sans que je le haïsse ; il m’a attaqué quoique je ne l’aie pas provoqué. Je ne désire pas le priver de la vie ; et, comme il est fils de mon ami, je le laisserai aller en liberté. » — « Laisse-le aller en liberté », fut-il répondu ; et Bhagavat prononça alors cette stance :

La victoire produit l’inimitié : le vaincu est abîmé dans la douleur ; celui qui est paisible vit dans le bien-être, ayant renoncé à la victoire comme à la défaite[3].
  1. Mallâ « lutteurs » est aussi un nom de peuple. Le tibétain rend par : rgan-po « vieillard » comme s’il y avait Mahallakâ.
  2. Asti Kesarî nàma sangrâma : Kesari pourrait signifier « lion » ou « léonin ». Mais le tibétain en traduisant : Padm li ze-va jes bya vai yul-gyi dgra thabs yod-de, en fait un nom de pays.
  3. Dans le manuscrit, ce vers est mutilé par l’omission du mot initial du deuxième hémistiche upaçanta, mais l’équivalent de ce terme se retrouve dans la traduction tibétaine. Le même vers se rencontre dans les textes palis sous une forme identique, sauf les différences orthographiques.