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claire ; cependant les Chinois eux-mêmes n’en paraissent pas très satisfaits, puisqu’on a tenté de lui substituer l’expression chu-yao « lumière perçant, point du jour » — ce qui ne me paraît pas fort heureux, — et qu’on la remplace volontiers par l'expression in yuen « causes et conséquences », qui conviendrait assez, mais qui a déjà reçu une autre application ; car elle correspond au mot Nidâna qui, dans l’énumération précitée, occupe la sixième place.

Pi-yû est évidemment la meilleure traduction ; malheureusement, ce terme est trop étendu. Il désigne à la fois, la comparaison, — l’Apologue, — l’Avadâna, — trois genres voisins, analogues, mais distincts.

Comparaison. Fable, Avadâna. — La comparaison (apamâ en sanskrit, dpe en tibétain) est un mode de démonstration très usité dans le Bouddhisme. Wassilief dit qu’il est spécial à l’école septentrionale Vaibhâṣika. Soit ! mais la Comparaison fourmille dans des ouvrages qui n’émanent pas de cette école. Je n’insiste pas ; et je me permets de renvoyer, pour le type du genre, à la traduction que j’ai donnée du Kumâra-dṛṣtânta-sûtra[1], — parce que ce texte est cité dans l’Avadâna-Çataka (sous son autre titre : Dahara-sûtra).

La Fable, qui repose sur une comparaison, ou qui est le point de départ d’une comparaison, est trop connue pour que je m’y arrête longtemps. On sait qu’elle est essentiellement, sinon exclusivement, indienne. Mais il ne paraît pas qu’elle se rencontre dans le Bouddhisme sous sa forme propre ; elle ne s’y présente que sous la forme de l’Avadâna. L’Avadâna n’est cependant pas la Fable.

Qu’un conteur, Ésope ou Babryas, Phèdre, La Fontaine, nous explique, en y joignant une moralité, comment jadis un oiseau à long cou et à long bec retira un os de la gorge d’un loup et ne fut payé de sa peine qu’en injures et en menaces ; nous avons là une fable, un apologue, c’est-à-dire un récit fictif et allégorique, augmenté de conseils sur la manière de se diriger dans la vie. Mais que ce récit soit mis dans la bouche d’un personnage qui ajoute que l’oiseau, c’était lui-même, que le loup était un sien cousin dont il n’a pas à se louer, et que leurs relations d’aujourd’hui ne sont que la continuation ou la conséquence de leurs relations d’autrefois ; nous avons alors un enseignement d’un tout autre caractère et d’une tout autre portée, qui nous montre la fatalité

  1. Annales du musée Guimet, V, p. 133-138.