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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Ensuite, tous font le tour de l’arbre sacré par la droite et reprennent leur voyage. Et après avoir marché quelque temps, ils tuent encore une fois une antilope sans tache et la mangent : हृवा तत्र मृगं मेध्यं पत्त्का तमुपभुज्य च[1]. Puis, quand la nuit se fut écoulée, ils touchèrent l’eau qui purifie, salilan çuci, et dirent la prière fortunée du crépuscule, çubhân sandyam. On voit qu’il y a dans ce récit des traits de la vie religieuse primitive encore fétichiste de l’Inde, fétichisme dont au surplus les Indiens n’ont jamais réussi à se dépouiller. Ne crions pas racca, car nous en faisons autant. J’ai vu et chacun peut voir adorer le bois et le fer dans N. D. à Paris.

Cependant nos exilés se remettent en route pour la montagne Citrakûṭa semblable au paradis, स्वर्गेपमं, et l’ayant atteinte, ils y construisent leur demeure en deux huttes séparées, द्वे चक्रतुः शरणे पृथक्, avec de fortes branches et des feuilles[2]. Puis, de nouveau, on tue une gazelle, noire cette fois, kṛishṇo mṛigo, mais après l’avoir fait cuire, çṛitaḥ, ils invoquent, avant de la manger, les dieux et leur offrent, à eux, aux mânes et à tous les êtres, थूतेथ्ये, un sacrifice dans la règle voulue, विधानतः, c’est-à-dire qu’ils ne consomment que le reste d’une oblation, hutaçesham[3]. Voilà donc l’oubli, si oubli il y avait, réparé sur les flancs de la montagne paradisiaque, et c’est peut-être parce qu’on s’y croyait au ciel, svarga, que le poète n’a pas cru convenable qu’il put négliger de mentionner le rite du repas. Le ritualiste peut bien s’éclipser un moment dans un brahmane, mais il revient sûrement, car le ritualisme est le brahmanisme même, dans le fond et pour la forme.

Passons maintenant un grand nombre de chapitres qui ne concernent pas directement l’histoire de Râma, mais qui se rapportent au roi Daçaratha et à la reine Kauçalyâ, puis à la mort du souverain et à la succession au trône de son fils Bharata. Celui-ci, loin de se réjouir de son avènement, exprime hautement toute l’aversion que lui inspire la femme, sa mère, qui par une détestable ambition, par la soif de régner, ऐश्वर्यकामां, lui a fait obtenir le trône, et, s’oubliant jusqu’à l’appeler une femme vile, anâryâm

  1. Râm., II, 55, 19.
  2. Ib., 66, 19 sq.
  3. Ib., 56, 30.