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LE RÂMÂYAṆA.

je dois exécuter, sans le discuter, nirvicâran, l’ordre de mon père ; la vertu, et spécialement, viçeshataḥ, la mienne l’exige ainsi[1]. Malheureuse mère ! Comme Mérope elle pouvait s’écrier : « Dieux ! je me plains à vous de son trop de vertu. » Ne pouvant obtenir de son fils de renoncer à ce qu’il croit son devoir, Kauçalyâ veut au moins accompagner son enfant chéri, priyan putram. « Emmène-moi avec toi, lui dit-elle, dans la forêt infestée par les fauves[2]. » Râma parvient à l’en dissuader et finit même par obtenir son consentement à ce qu’il s’éloigne. « Va, mon fils ! » s’écrie-t-elle le cœur brisé. « Que le bonheur t’accompagne ! Exécute l’ordre de ton père : » पुत्र गच्छ शिवं तेऽस्तु कुरु त्वं पितृशासनं. Puis, elle fait, suivant la règle, विधिवत्, les cérémonies religieuses du départ, invoquant sur la tête du partant les bénédictions et l’assistance des dieux, des bons génies, des rishis, des Mânes, des Nâgas, des Suparnas et aussi la vertu des Védas, des Aṅgas, de la science (vidyâ), des Mantras et des Atharvanas[3]. Voilà un morceau qui caractérise bien la religion très composée et très abondante j’allais dire touffue du Râmâyana. Toute la nature physique, toutes les puissances métaphysiques, tous les êtres réels ou imaginaires y concourent : abondance de biens ne nuit pas, et notre poème illustre cet axiome de bien des manières.

Cependant, au douloureux combat qu’il avait soutenu contre l’affection maternelle succède un autre plus pénible encore. Il lui faut abandonner une épouse tendrement aimée. Quelle fermeté ne lui fallait-il pas pour annoncer sa résolution à Sîtâ et pour l’engager à y consentir. Elle l’écoute agitée, désolée, (vihvalâ). Mais quand il lui a dit tout et qu’il lui a ordonné de garder la maison pendant ces 14 années qu’il séjournera au milieu des bois, elle éclate et ne veut rien entendre qu’il n’ait consenti à ce qu’elle l’accompagne. « Séparée de toi, s’écrie-t-elle, je ne voudrais pas même habiter le ciel ! » यथा नेच्छाम्यहं वस्तु स्वर्नेऽपि रहिता त्वया[4]. Chacun est récompensé ou puni pour lui-même, suivant ses propres actions ; l’épouse seule

  1. Râm., Ib. 23, 10.
  2. Ib. 24, 5.
  3. Râm., II, 2B, 16 sqq. Les dieux invoqués sont Pûshâ, Bhaga, Aryaman, Varuna, Indra (le Roi), les Vasus, Mitra, les Adityas, les Rudras.
  4. Ib. 27, 5.