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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

leurs veaux : payasminînân hi gavân savatsânân dadau çatasahasrâṇi[1]. Puis le roi Janaka invita Râma à s’approcher de l’autel, vedîm upânaya, et lui dit : Que ma fille Sîtâ que voici soit ton épouse légitime ! Prends sa main dans ta main, ô descendant de Raghu : इयं सोता मम सुता सहर्धमचरी तव। गृहाण पाणिना पाणिं त्वमस्या रघुनन्दन॥

Ensuite le guru du roi bénit l’hymen avec un mantra, et les couples[2] firent trois fois autour du feu la procession par la droite, le pradakshiṇam[3] et cela au chant des hymnes, exécuté par les rois et tous les grands richis. Le ciel ne manqua pas d’être de la fête ; il fit tomber une pluie de fleurs sur toute la noce, un concert de flûtes, de lyres et de timbales accompagna cette odorante averse, les divins Gandharvas chantèrent et les Apsaras dansèrent en chœur[4].

La fête terminée, tout le monde alla où il voulut ; Viçvâmitra s’achemina vers la haute montagne du nord, uttaraparvatam, et Daçaratha reprit avec Râma et son épouse, précédé de Vaçishthra, la route d’Ayodhya. Mais voilà que soudain des oiseaux (pakshiṇo) volèrent à gauche, annonçant un malheur, अपस्व्यं ततो जन्मुः पक्षणो भयवेदिनः[5] ; heureusement des gazelles, passant vers la droite, paralysèrent ce présage : मृगाश्च शमयन्तस्तान् प्रतिजग्मुः प्रदक्षिणं. Le roi ému, demande à Vaçishtha l’explication de ces signes, et pendant qu’ils causent un orage gronde ; tout est enveloppé de ténèbres, des tourbillons de poussière remplissent l’espace et de la tourmente sort le brahmane Râma, fils de Jamadagni, furieux et armé d’un arc énorme garni de sa flèche[6]. Il en veut au fils de Daçaratha et lui dit en manière de provocation, de manier son arc monstre, l’arc de Vishṇu, comme il a fait de l’arc de Çiva qu’il a brisé. C’est en vain que le roi in-

  1. Râm., ib. 74, 29.
  2. À l’occasion du mariage de Râma, trois autres se firent en même temps.
  3. Chez les buddhistes, qui ont en tout exagéré le cérémonial brahmanique, cette procession circulaire joue un rôle immense. Plus on fait le tour de la statue du buddha ou du stupa en prononçant la formule mystique : om mani padme hum, plus on acquiert de richesses et de dignités.
  4. Râm., I, 75, 18 sq., 24 sqq.
  5. Ib., 76, 10.
  6. Cette fable a peut-être inspiré à Camoëns la fiction d’Adamastor apparaissant à Vasco de Gama dans une tempête au Cap des tempêtes. (V. le chant V des Lusiades.) Et comment Camoëns, esprit cultivé et curieux, aurait-il ignoré la littérature poétique de l’Inde, puisque Chardin, un marchand, connut les Purâṇas, sous le nom de Porans, qui sont, dit-il, les premiers livres de religion et de science des brâhmanes. (V. Voy. dans l’Inde, p. 145).