Page:Annales du Musée Guimet, tome 13.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée
16
ANNALES DU MUSÉE GUIMET.

les grands saints Vaçishta et Viçvamitra, par des brahmanes qui sont qualifiés l’œil de la science, ज्ञानचक्षुषा (jñânacakshushâ) possédant en toute perfection les Védas et les Védângas वेदवेदाङ्नवि इषां (vedavedânggavi ?ishâṃ)^^1 . D’après cela il va de soi que l’honneur des Saintes-Écritures, sinon celui des dieux védiques, demeure toujours intact dans notre épopée. Dès le début, Daçaratha, le père de Râma, est moins glorifié par la comparaison qu’on fait de lui avec le principal dieu de la religion aryenne première 2, qu’en le disant très versé dans les Écritures brahmaniques : वेदवेदाङ्नवित्तम​ (vedavedânggavittama)^^3. Pour Râma personnellement, il connaît non-seulement à fond les Védas, les Védângas et tous les Çâstras : पणिडतः प्राज्ञः शास्त्रवित् (paṇiḍataḥ prâjñaḥ shâstravit)^^4, mais il est en quelque sorte le sommet du Rig et du Sâma, l’âme même du Véda : ऋकसामशृङ्गो (ṛkasâmashṛnggo)^^5. Sachant ainsi tout, le sacré et le profane, il réalise, en vertu de l’axiome ; le savoir passe tout : çrutam tu sarvân atjeti^^6, le felix qui potuit rerum cognoscere causas du vates romain.

Le Râmâyana est ainsi tout entier à la glorification de Râma et néanmoins noire héros n’est pas tout d’une pièce ; il est trop homme pour cela. Sa divinité, le poème la laisse entrevoir seulement et sans que cela empêche les grands ressorts de la vie de manifester leur activité par le mouvement que leur imprime la personnalité humaine du sujet, au milieu d’événements sans nombre. Râma reste homme, c’est à dire un être faible après tout, parce qu’il est complexe ; il n’a rien d’abstrait ou d’absolu, et les traits tout individuels qui jaillissent du rôle qu’il est appelé à jouer prouvent suffisamment, sans qu’il ait besoin de le déclarer lui-même, qu’il a conscience de sa nature humaine et qu’il agit comme tout autre homme. Il y a donc exagération de dire comme Lassen, que les héros du Râmayana ne sont pas réellement des hommes^^7. Ils sont hommes des pieds à la tête ; Râma le dit et Râvaṇa aussi^^8. Mais si le poète a su et voulu respecter, dans l’intérêt bienentendu de son récit, le caractère humain en Râma et aussi en Sitâ, sans

1 Râm., II, 121, 2.

2 Ib., I, 5, 7.

3 Ib., ib. 6, 1.

4 Ib, V, 71, 4.

B Ib., VI, 102, 17.

6 Çânkhâyana, Grihyas., I, 2.

7 Ind. Alt., II, 305, 2e éd.

8 Cf. Râm., VI, 37, 5.