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ANNALES DU MUSÉE GUIMET.

quoique ascète राम तापसं^^1 manifeste dans presque toutes les situations cette maitrî et cette ahinsâ, cette sympathie et celle bienveillance envers tous les êtres, cette mansuétude, cette magnanimité et ce désintéressement que le Buddha, malgré le nihilisme eschatologique de sa doctrine, enseignait et pratiquait en rédempteur moral, et qu’Açoka Priyadasi réalisait en roi, pendant un règne de 37 ans, sur le plus grand trône du monde. Avec Râma, comme avec Çâkya, comme avec Jésus, on subit le plus haut charme qui existe, l’amour, el mayor encanto amor ; cet amour qui fait que Ràma tue, dit le texte, l’affliction des affligés : आर्तानासार्तिनाशनः^^2 : Les buddhistes ne s’y sont pas trompés ; de tout temps ils ont reconnu Râma comme un des leurs. C’est ainsi que des épisodes de la vie du héros se voient représentés sur nombre de temples buddhiques ; je rappelle seulement les bas— et haut-reliefs de la célèbre pagode d’Angkor ou Nakhon Vat, plus correctement Ncor Vat^^3, au Cambodge^^4.

Maintenant il faut convenir que la douceur et la mansuétude habituelles de notre héros ne l’empêchent pas de manifester par moments plus de passions que ne permet le Saddharma buddhique, et aussi le jaïnisme du Kural^^5, de tuer, par exemple, des animaux et de se nourrir de leur chair, comme aussi de céder à la colère et au désespoir. Rien n’est plus contraire à la morale du grand rénovateur indien, à celle du jaïnisme, et à la conduite de leurs saints^^6, mais le cas est topique pour prouver le mélange et la confusion des doctrines et des pratiques dans l’œuvre de Vâlmîki par l’intervention d’un élément qui n’est autre que l’élément humain. C’est d’ailleurs, en plus ou en moins, le cas de presque tous les écrits brâhmaniques.

1 Râm., III, 43, 13.

2 Râm., IV, 14, 17.

3 Mots qui veulent dire « temple de la capitale »

4 V., Bastian, Die Völker des östlichen Asien, IV, p 90 ; cf. p. 87, 147 ; 1868. — Doudart de Lagrée, Œuvres posth., p. 227 ; 4°. — Kuntze, Um die Erde, p. 233 sqq. Ce dernier voyageur est, avec notre infatigable Aymonier, le plus exact de tous. — Il est possible que ces bas-reliefs soient de provenance brahmanique, le brahmanisme ayant précédé le buddhisme dans les pays de l’Inde transgangétique ; mais cela serait, que la popularité de Râma parmi les buddhistes ne s’en trouverait pas atteinte, puisque ces représentations ont été maintenues sur la pagode devenue buddhique.

5 V., entre autres, les chap. XXVI, XXXI, XXXIII du Kural. Sans doute les sentences du Kural ne constituent pas un livre de doctrine buddhique, mais l’esprit du buddhisme coule à plein bord dans les trois livres dont il se compose sur la vertu, sur les choses politiques et sociales et sur l’amour.

6 Il est vrai qu’une légende qui a cours dans l’Inde (Graul R. in Ostin., 11, 280 — Feer, Études buddhiques, d. J. As. 1882, p. 329) fait mourir le Buddha d’indigestion pour avoir mangé de la viande de porc, mais ce fut contre son gré qu’il la mangea, en punition d’une faute commise dans une vie antérieure.