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LE RÂMÂYAṆA
AU POINT DE VUE RELIGIEUX, MORAL ET PHILOSOPHIQUE.

PREMIÈRE PARTIE
CRITIQUE PRÉLIMINAIRE.

Étudier le Râmâyaṇa, c’est non-seulement suivre les courses et les aventures d’un héros, mais c’est explorer par les faits et gestes de ce personnage qui représente l’univers[1], tout un monde de religion, de philosophie et de morale. Sous la forme que nous l’avons, notre poème est comtemporain ou peu s’en faut de la Bhagavad-Gîtâ, ce traité philosophique universel qui fait, dit un écrivain indianiste, la gloire la plus certaine de la littérature sanscrite. Mais ce rapprochement, loin de l’entourer de l’auréole de l’antiquité, le désigne au contraire comme une œuvre assez récente[2]. Pour le fonds cependant le livre est ancien, très ancien. Cela ressort déjà de ce que le Véda qu’on y trouve nommé tant de fois, n’y est presque jamais spécifié en Rik, Yajus, Sâma et Atharva, alors que tant d’occasions s’en présentent. Au reste, il est certain que de tout temps des chants consacrés à la glorification de la 7me incarnation de Vishṇu ont été très répandus et très populaires dans l’Inde. De tous les poèmes, épopées ou autres, les « courses de Râma »[3], plus ou moins modifiées suivant les sectes et les idiomes, sont le livre que lisent les personnes de toutes les castes[4]. La popularité de

  1. जगत् सर्वं शरीरं ते le monde est ton corps, dit Brahmâ à Râma. (Râm., VI, 102, 26).
  2. Die ältesten einheimischen Zeugnisse für das Bestehen eines Râmâyana datiren etwa aus dem 3ten oder 4ten Jahrh. n. Chr., dit A. Weber dans Abh. der Akademie der Wiss. zu Berlin, 1870.
  3. C’est ainsi qu’on peut traduire le mot Râmâyaṇa, comp. de râma et ayana course.
  4. Dubois, Mœurs etc. des peuples de l’Inde, II, 403.