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LE RÂMÂYANA.

tivement du monde indien, différant en cela de Descartes qui est foncièrement européen. On peut dire que ces deux philosophes, aux antipodes pour le fond comme pour la forme, l’un tout h la synthèse, l’autre tout à l’analyse, se partagent en vainqueurs le domaine de la pensée indo-européenne. Spinoza ne connaît pas la dualité irréductible de l’esprit et de la matière de Descartes ; son massif et pesant panthéisme ontologique ressemble au matériel monisme émanatif du védanta comme une libre copie à son original.

Le mérite de Descartes, comme originalité, est donc supérieur h celui du penseur néerlandais ; il l’est aussi à celui de Kant. Le philosophe de Kœnigsberg n’a pas seulement profité du principe proclamé par Descartes que les droits de la raison sont antérieurs et supérieurs à tous autres droits, que la raison est le grand juge de tout ; mais encore il use et abuse à tel point de son idéalisme transcendantal relatif à la chose en soi, Ding-an-sich, et au phénomène, Erscheinung, qu’il nous réduit à nier la réalité objective et nous amène fatalement à, ne voir dans les représentations concrètes des idées types que de pures illusions.

La responsabilité de cette doctrine excessive de spéculation n’incombe cependant pas entièrement à Kant. Ce penseur relève un peu de son confrère arabe Ibn Bâdja, du 12e siècle, mais surtout du védantisme dans son évolution finale, la Mâyâ. Cette singulière doctrine, dont Kant pouvait avoir quelque connaissance par les voyagem’s anglais, est exposée au complet dans les dernières TJpanishats, et la Maitrî la résume par l’axiome, que la forme matérielle, mtirtam, est illusoire, asalyam, que le monde est sans réalité aucune, avastu, une pure fantasmagorie, mâyâ.

L’idée que tout est illusion n’est d’ailleurs pas demeurée particu-