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ANNALES DU MUSÉE GUIMET.

de Lassen, d’une seule coulée, offre aux investigations des choses religieuses, morales et philosophiques, et d’avoir prouvé ainsi, une fois de plus, que l’Inde est l’officine où ont pris naissance les théories et les doctrines qui ont de tout temps agité les esprits de notre Europe, en donnant lieu, nommément, aux disciplines de Scot Érigène et de Duns Scot, de Spinoza et de Kant.

Pour Scot Érigène, avec son réalisme à la fois mathématique et spéculatif et avec ce qui s’ensuit relativement à la prédestination qu’il enseigne, la probabilité est qu’il fit personnellement connaissance dans ses voyages en Orient avec les concepts mathématiques fondamentaux de Zénon d’Élée et, indirectement, avec la philosophie Sânkhya, cette doctrine dont le caractère arithmétique et particulariste n’exclut pas le mysticisme.

Quant à Duns Scot, il est, par le juif arabe Ibn Gebirol (Avicebron), un disciple d’Alexandrie, de cette célèbre école où affluaient toutes les doctrines de l’Inde de concert avec celles de l’Orient proprement dit. Par la rigueur et la précision de sa dialectique, le docteur subtil nous fait souvenir d’abord de la méthode sévèrement logique du Nyâya ; mais quant au fond de sa doctrine, c’est un panthéisme mystique, la philosophie indienne par excellence. La subtilité de l’adversaire de Thomas d’Aquin ne donne pas encore dans le panthéisme ontologique absolu, cependant il le côtoie d’assez près pour qu’on puisse voir en lui le précurseur de Spinoza. On a qualifié Spinoza de penseur original ; rien n’est plus erroné. Si le philosophe hollandais ne s’est pas inspiré de Duns Scot, il a certainement puisé directement dans les écrits du Juif Ibn Gebirol déjà nommé et du musulman Ibn Roschd (Averroès), qui relèvent l’un et autre, en plus ou en moins, du Védânta. Spinoza dérive donc posi-