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LE MYTHE DE VÉNUS

en Grèce, où elle règne sous un autre nom, celui d’Aphrodite, mais encore en Orient, d’où elle est venue en Grèce. C’est même de l’Orient qu’elle a apporté ce nom d’Aphrodite, qui n’est pas grec, malgré une apparence trompeuse, mais appartient à une racine sémitique. C’est cette histoire que nous voudrions retracer dans les limites de nos connaissances, et en résumant quelques-unes des recherches qui sont l’honneur de notre siècle dans le domaine de la mythologie. L’origine orientale de Vénus a paru une excuse suffisante pour justifier l’insertion de ce travail dans une publication spécialement consacrée aux langues, aux idées et aux choses de l’Orient.

I

C’est par la littérature de Rome que Vénus a été d’abord connue des modernes, et cependant on ne l’y voit guère paraître qu’assez tard. Même dans le culte des Romains cette déesse semble n’occuper qu’une place très restreinte pendant les six premiers siècles de la République. Mais vers le temps de Sylla elle prend tout à coup une grande importance. Les poètes sont pleins de son nom, et les hommages du culte officiel lui donnent un rang à part entre toutes les autres divinités Sous le nom de Victorieuse (Venus Victrix) le peuple romain l’adopte pour sa protectrice ; il lui lait honneur de ses victoires. Pompée lui élève un temple au sommet du théâtre qui doit éterniser le souvenir de ses succès militaires. En même temps, consacrant une antique tradition qu’on trouve déjà dans Ennius, les Romains l’honorent sous le nom de Vénus Mère (Genitrix) comme la mère des descendants d’Énée avec lesquels ils se plaisent à se confondre. C’est dès lors l’Æneadum Genitrix que chante Lucrèce. Au temps de César cette fiction se développe et prend une importance poIitique. César rattache hardiment la généalogie de sa famille, la gens Julia, au légendaire Iulus, fondateur d’Albela -Longue, fils d’Énée et petit-fils de Vénus. Il voit non sans raison, dans cette origine divine, un ressort pour agir sur les imaginations et les pré parer à sa domination future. Auguste, en qualité de fils adoptif de César, prend à son profit cette généalogie céleste, et s’en fait un moyen de règne. Dès lors le branle est donné ; tous les poètes, à la suite de Virgile, chantent