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ET OUVERTURE DU FLEUVE ROUGE AU COMMERCE

dans le haut eu de certains endroits, il va se resserrant jusqu’à ne compter que 40 à 50 mètres.

Pendant ma reconnaissance du Song-ki, Ly-ta-Lâo-Yé a reçu du commissaire Ly une longue lettre en réponse à celle par laquelle je lui faisais connaître mon intention de quitter Haï-phong, pour remonter le fleuve. Il me supplie de rester à Haï-phong où il me fournira tout ce dont j’aurai besoin. Toujours la même question : ne pas bouger, attendre la réponse de Hué. Je serais encore à l’attendre. N’ayant pu trouver le passage par le Song-ki, je me décide à remonter le Thaï-binh, avec ma chaloupe.

Le commandant Senez m’avait rapporté de son entretien avec Ms"Colomer, évêque des mission espagnoles, qu’en remontant le Thaï-binh, il me serait possible d’atteindre le fleuve Rouge bien au-dessus d’Hà-noï. De cette façon, ajoutait-il, vous éviterez de passer par la capitale et de vous créer de nouvelles difficultés.

Je passe ici sur cette reconnaissance, qui se trouve rapportée tout au long dans le Bulletin de la Société de géographie, pour m’occuper plus particulièrement de la route commerciale. J’étais de retour au Lou-to-kiang le 10 décembre à 4 heures du soir, après avoir reconnu qu’il n’existait de ce côté aucun passage pour remonter avec mes navires du Thaï-binh au fleuve Rouge.

Pendant mon absence, on avait fait courir le bruit que les Annamites allaient faire descendre deux mille Chinois en garnison à Bac-ninh et Thaïnguyen pour nous attaquer et qu’on levait des troupes partout dans le Tongkin. Cette nouvelle, colportée par la rumeur publique, avait grossi d’importance en passant par les missionnaires espagnols. Je trouve tout le monde en émoi en rentrant à bord. Ceux qui par l’importance de leur commandement devraient être les premiers à faire fi de tous ces cancans sont les premiers à les propager ; alors les imaginations travaillent et on semble voir partout des corps d’armée qui marchent sur nous. Je suis obligé de me mettre en colère pour faire cesser tous ces bruits qui jettent la démoralisation dans mon personnel. Je ne crains pas les Chinois, et c’est justement eux que craignent mes Européens. Avec les pouvoirs en mains des autorités du Yûn-nân, je suis parfaitement tranquille. En somme, comme je le dis à mes gens, que pouvons-nous craindre à bord de nos navires armés comme ils le sont, quand nous