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VOYAGE AU YÛN-NÂN

qui lui sert d’interprète. Il fait valoir les intérêts qui s’attachent à l’ouverture du fleuve Rouge, pour le peuple et pour le gouvernement annamite, en faisant ressortir les revenus considérables que la cour de Hué retirerait des douanes. Le gouvernement français, ajoute-t-il, lui saurait en outre le plus grand gré de ne pas entraver ma mission, qui intéresse aussi la colonie de Saigon. Il est très catégorique sur ce dernier point. Le commissaire Ly répond qu’il est convaincu des avantages que présente l’ouverture de la nouvelle voie, mais qu’il ne sait pas comment on appréciera ma mission de la cour. Il demande en conséquence que j’attende la réponse de Hué, à l’arrivée de laquelle il fixe un délai de quinze jours. Le commandant Senez m’engage à accepter les quinze jours de délai que fixe le commissaire Ly ; j’y consens. En attendant, il est entendu que j’aurai le droit de circuler avec ma chaloupe dans l’intérieur. Le délai passé, je dois remonter le fleuve.

Avant de partir, le commandant Senez me recommande chaleureusement au commissaire Ly, eu le priant de me seconder dans mes efforts pour me procurer des vivres et tout ce dont nous pouvons avoir besoin. Vers cinq heures du soir, le commissaire Ly se retire. Avant de quitter Haï-phoug, le commandant Senez me donne un de ses interprètes, le nommé Sam ; puis je le quitte le soir, à onze heures pour rentrer à bord du Ldo-kaï, emportant ses vœux pour le succès de mon voyage.

20 novembre. — Au petit jour le Bourayne lève l’ancre pour faire route sur Hong-kong. J’envoie le Son-tay le précéder jusqu’au cap Dao-son, pour sonder la passe.

Le Bourayne emporte une grande quantité de bois pour économiser son charbon ; il reste encore trois jonques chargées de ce combustible qu’il n’a pu prendre faute de place. Il avait été convenu avec le commissaire Ly que ce bois me serait remis le lendemain après le départ du Bourayne. Pendant qu’on décharge la première jonque, les deux autres, sous prétexte d’aller s’abriter du vent dans la petite crique qui nous fait face, disparaissent, et bien entendu pour toujours.

Malgré mes réclamations, les vivres promis la veille à bord du Bourayne n’arrivent pas. Le vide commence à se faire autour de nous, et les petits bateaux de pêche déjà très rares, ne répondent plus à notre appel. Cependant le soir, au milieu de l’obscurité, on nous apporte des fruits, des légumes et du poisson,