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VOYAGE AU YÛN-NÂN

stoppons la nuit par prudence. Après avoir jeté l’ancre dans le port d’Haïkéou, nous allons rendre visite aux autorités de la ville, qui nous autorisent à faire un dépôt de charbon dans Tun des forts qui gardent l’entrée de la ri vière, faveur que nous devons exclusivement au caractère spécial dont m’investit la mission que m’ont confiée les mandarins du Yûn-nân. Le port d’Haïkéou vient d’être ouvert au commerce, à la demande des Anglais, c’est une étape sur la route du Tong-kin. Au moment où nous nous disposons à partir, un grand vent N.-E. s’élève soudainement, avec une violence inouïe, qui nous retient au port pendant six jours. Nous arriverons eu retard au rendez-vous donné au Bourayne.

8 novembre. — Partis le 7 novembre au matin, nous venons aujourd’hui jeter l’ancre vers minuit à la Gat-bâ, derrière la ville de Quang-yen.

9 novembre. — Nous explorons l’horizon à la naissance du jour, pour reconnaître la présence du Bourayne ; nous levons l’ancre pour venir mouiller plus près d’Haï-phong, dans le bac d’Angian, d’où nous apercevons très bien l’aviso français.

Rendu bientôt à bord de celui-ci, j’apprends que le commandant Senez est parti pour Hâ-noï, et personne ne pouvant me renseigner sur la voie qu’il a prise, je forme le projet d’aller à sa rencontre par un des bras du fleuve. Je rejoins mes navires et nous levons l’ancre pour aller au sud, nous présenter au Balat que le Livre j aime signale avec le Laïc et le Dai, comme les trois seules embouchures du fleuve. Une fois arrivé en vue du Balat, nous essayons de mettre notre projet à exécution, mais les bancs de sable nous tiennent constamment à 6 milles au large. En cherchant un passage parmi ces bancs, nous manquons nous perdre. Le Lâo-kaï, engagé avec trop de témérité, ne peut un instant ni avancer ni reculer, et le capitaine commence un peu à perdre la tête : soulevé avec effort par la vague, le Ldo-kaï rctomhe de tout son arrière sur le fond sablonneux qu’il talonne d’une façon inquiétante. Enfin, nous parvenons, non sans peine, à nous tirer de ce pas ; il est temps, car une tempête s’annonce. Nous nous empressons de suivre les barques de pêcheurs qui fuient devant le mauvais temps, semblables à de grands oiseaux de mer, pour aller s’abriter dans une anse à l’abri des vents du large, anse formée par les bancs du Daï et du Balat. Nous restons là trois jours retenus par un vent du N.-E. des plus violents.